vendredi 2 avril 2010

Petit courrier (1)




À l'attention de Madame Hidalgo Anne,
Mairie de Paris

Madame,

Je découvre dans un magazine (Le Point n° 1959, 1er avril 2010, p. 18) cet entrefilet :




Pour tout vous dire, vous me voyez profondément navré de voir que les choses se passent aussi mal pour vous. Et c'est là que j'en viens à me dire que si l'on n'est pas doué(e) pour une tâche - en l'occurrence, la politique - pourquoi ne pas passer à autre chose et, dans votre cas, revenir à votre premier métier d'inspectrice du travail ? Ce n'est pas que je veuille absolument vous voir disparaître du paysage politique, mais il faut bien admettre que quand ça ne veut pas, ça ne veut pas ! Je pense notamment à votre collègue Lyne Cohen-Solal, régulièrement rétamée par Jean Tiberi, dans le 5ème arrondissement de Paris, arrondissement où Ségolène Royal était parvenue en tête du second tour de la présidentielle de 2007 !

Si j'évoque le cas de Ségolène Royal, c'est que je vous ai entendue, il y a quelques semaines - soit bien avant la campagne des régionales -, lors d'une interview sur RMC, y aller du sempiternel couplet consistant à casser du sucre sur le dos de Séglène Royal, qui aurait le tort de vouloir jouer sa partition personnelle et de ne pas toujours se fondre dans la masse - c'est moi qui interprète.

J'avoue que, sur le moment, je me suis demandé quelle mouche vous avait piquée ! Parce que moi, à chaque fois que je vois ou entends Ségolène Royal dans les médias, j'observe qu'elle ne consacre jamais ne serait-ce qu'une seconde à la critique de tel ou telle de ses collègues socialistes, pas plus qu'elle ne perd son temps à des attaques personnelles, d'ailleurs.

Je revois encore Ségolène Royal, un matin, chez Jean-Jacques Bourdin (RMC/BFM TV) ; elle était venue avec un vélo électrique et a consacré toute l'interview à parler de sa région et de ses projets. Et partout ailleurs, elle s'impose cette ligne de conduite. Ça doit être une question d'éducation !

Et comme, visiblement, au Parti socialiste, tout le monde ne bénéficie pas forcément d'une éducation aussi raffinée que celle dont a bénéficié Mme Royal, il semble qu'il y ait quelques camarades qui préfèrent perdre sans elle plutôt que de gagner avec elle !

Je m'explique : tout le monde se souvient - Alain Juppé en tout cas - de l'intervention tonitruante de Ségolène Royal, en pleine campagne pour les législatives de 2007, au cours d'un journal de 20 h sur France 2, alors même que la chaîne venait de consacrer un long reportage au candidat sortant, Alain Juppé, sans dire un mot de sa rivale socialiste, ce qui nous a valu, de la part de Mme Royal, un vibrant :

... elle s'appelle Michèle Delaunay, Mi-chè-le De-lau-nay ! Et d'ailleurs, je me rends bientôt à Bordeaux pour lui apporter mon soutien...

Et voilà le docteur Delaunay, inconnue au bataillon, qui se permet de battre le maire de Bordeaux, dans la fameuse circonscription dite "du maire".

Et puis, il y a eu les municipales de 2008, au cours desquelles Ségolène Royal s'est de nouveau démenée pour aller soutenir un Cohen à Toulouse, un Ries à Strasbourg...


2008 verra une formidable moisson de mairies passer de droite à gauche !

Tosca, Norma, Aïda, Desdemona, Carmen, La Gioconda, Mme Butterfly..., autant de rôles incarnés par ce que les Italiens appellent une "prima donna", le genre de rôle que Ségolène Royal doit affectionner !

J'observe simplement que d'aucuns nous avaient pronostiqué, un peu présomptueusement, un grand chelem aux régionales. Mais pour qu'il y ait grand chelem, encore aurait-il fallu que Ségolène Royal se libérât pour aller prêter main-forte ici ou là, comme elle l'a fait si brillamment durant les législatives de 2007 (1) et les municipales de 2008 (2).

Pour ma part, j'étais persuadé que l'Alsace tomberait à gauche, pour peu que Ségolène Royal prenne la direction des opérations en tant que chef de file des candidats aux régionales. Et que dire de la débâcle guyanaise, alors que la région était à gauche ? Le cas de la Réunion est un peu particulier, il est vrai, le vieillard de service s'étant accroché à son fauteuil au-delà du raisonnable...

Il n'empêche que bien des socialistes doivent se dire qu'en se concentrant sur sa seule région, Ségolène Royal a probablement privé la gauche d'un grand chelem. Cela dit, il n'y avait qu'à l'élire au premier secrétariat du PS !

Le fait est qu'on ne s'improvise pas prima donna ! Prenez-en de la graine, et passez donc, à l'occasion, un coup de fil à Ségolène Royal, pour qu'elle vous donne quelques leçons de savoir-faire, par exemple, sur l'art et la manière de se débarrasser d'un boulet encombrant, style Modem ou Front de gauche en Poitou-Charentes !

Et ne vous laissez surtout pas abuser par tous ces sondages qui voudraient nous faire croire que Ségolène Royal serait disqualifiée pour les échéances nationales à venir. Mon pronostic à ce propos est simple : sans Ségolène Royal, les apparatchiks du PS font un bide dans les quartiers populaires et sans les quartiers populaires (3), vous êtes morts !

Mes hommages Madame.


R. W.


P.S. (1)

Je revois encore l'"indispensable" Dominique Strauss-Kahn, mis en difficulté par Sylvie Noachovitch après le premier tour des législatives de 2007, et contraint de faire appel à cette bonne Ségolène Royal, laquelle, ne ménageant pas son énergie, s'en est allée aussi prêter main forte à d'autres cadhors du PS, comme le très versatile Arnaud Montebourg, qui nous a montré, depuis, qu'il avait une curieuse façon de dire "merci" !


P.S. (2)

Ségolène Royal n'est pas allée à Marseille durant les dernières municipales, et les socialistes marseillais ont bu la tasse ; elle aurait pu venir à Paris donner un coup de main, ce qui aurait pu faire basculer un, deux voire trois arrondissements... Mais il faut croire que battre Jean Tibéri, dans son fief du 5ème, ne devait pas intéresser grand monde au PS !


P.S. (3)

Allez donc, en compagnie de vos meilleurs amis socialistes (les Harlem Désir, Benoît Hamon et consorts), faire un tour dans ces quartiers populaires dans et autour de Paris - que je connais très bien - où Ségolène Royal a cartonné lors de la dernière élection présidentielle, et où Désir, Hamon et consorts se sont si lourdement plantés lors des dernières européennes, et demandez aux habitants de ces cités ouvrières s'il y a une petite chance de les voir s'inscrire sur les listes électorales au cours des deux années qui viennent..., afin de voter pour un(e) quelconque apparatchik socialo-bonapartiste ! À ce propos, Dominique de Villepin qui, au nom des principes gaullistes, dit non à des primaires à l'UMP, en voilà une belle leçon de bonapartisme, à l'intention de tous ces "bonapartistes aux petits pieds" du PS, du PC, du NPA et d'ailleurs ! Imagine-t-on Charles de Gaulle se prêtant à la pantalonnade ridicule d'une primaire ?