Sylvie Kerviel, dans le supplément Radio-Télévision du Monde. Je reproduis in extenso...
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À chacun son métier...
Fallait-il livrer à la police les noms des présumés pédophiles que le journaliste de l'agence Capa, Laurent Richard, a repérés lors de son enquête pour le magazine "Les Infiltrés", diffusé mardi 6 avril sur France 2 ? Non. À chacun son métier. La police enquête avec ses moyens, qui ne sont pas ceux d'un reporter...
Ce papier est un tissu d'inepties car rédigé par quelqu'un qui, visiblement, souffre de connaissances cruellement lacunaires !
Sylvie Kerviel :
"Pour approcher au plus près les pédophiles, il s'est en effet, selon le principe du magazine "Les infiltrés", fait passer pour l'un d'eux. Au risque, pourquoi pas, de se poser lui-même en justicier."
Voilà qui est faux ! Le journaliste surfe sur Internet de manière anonyme, en ayant recours à un pseudo. Mais on le voit bien se présenter aux pédophiles en tant que journaliste !
La police enquête avec ses moyens...C'est là que Mme Kerviel aurait besoin que quelqu'un lui rafraîchisse la mémoire.
"Police" est un terme polysémique, ce qui veut dire qu'il prend plusieurs sens. Pensons à 'police des moeurs', qui suggère un corps chargé de traquer les atteintes aux bonnes moeurs, mais également la "politique" même appliquée par ledit corps, à savoir l'ordre public qui sied à la bonne marche de toute société dite civilisée.
'Police' désigne donc à la fois un organe : le corps administratif des policiers, mais également une mission : l'ordre social.
Mme Kerviel a, malheureusement pour elle, retenu l'organe, en oubliant la mission assignée audit organe, sans laquelle ce dernier n'a aucune raison d'être. Mais elle oublie autre chose : l'organe policier n'enquête pas pour enquêter, mais pour être au service d'une autre mission : la Justice, autre terme polysémique, puisqu'il désigne à la fois l'appareil administratif judiciaire, dont la mission est, précisément, de rendre la Justice !
Cette méconnaissance de la sémantique explique que Sylvie Kerviel se répande en inepties dans son papier du Monde.
Observons, en passant, cette lubie des journalistes de la presse écrite, à s'ériger en censeurs de ce que font leurs confrères et consoeurs de l'audiovisuel, la réciproque n'étant pas vraie : dans l'audiovisuel, on a droit, la plupart du temps, à des revues de presse objectives qui se distinguent foncièrement des véritables tribunaux populaires dressés par la presse écrite à l'égard de la presse audiovisuelle.
Mais revenons à notre propos du départ, à savoir la non prise en compte de la complexité même du concept de 'police'.
Tout le monde sait, ou devrait savoir, que la démocratie consiste dans le gouvernement du peuple par le peuple, ce dernier pouvant déléguer ses pouvoirs, sans jamais s'en départir complètement. Ce qui veut dire que ceux qui agissent au nom du peuple ne sont que des délégués. Et en la matière, Justice et Police agissent au nom du Peuple, sans jamais supplanter ledit Peuple. Et le Peuple, c'est qui, sinon la communauté des citoyens, autant dire tout le monde.
Par voie de conséquence, que la police (organe administratif) effectue des missions de bonne police en vue d'assurer la sécurité des citoyens ne dispense en aucune façon lesdits citoyens de leurs prérogatives, car en démocratie, l'Etat, c'est eux !
Il s'ensuit que la formule de Sylvie Kerviel : "A chacun son métier." ne veut strictement rien dire : la mission de faire régner l'ordre et la justice incombant, en démocratie, à tous les citoyens, avec l'assistance de certains organes, dont la police, la gendarmerie, l'appareil judiciaire. Les jugements rendus par les juridictions françaises ne sont-ils pas assortis de la formule : "Au nom du peuple français." ?
Mais voyons les choses un peu plus dans le détail. Soit un quidam quelconque, disons un automobiliste, découvrant qu'un rocher menace de se détacher d'une falaise, avec le risque d'écrabouiller les automobilistes en contre-bas. Que va-t-il faire ? Va-t-il se dire : je n'appartiens pas à la DDE (Direction Départementale de l'Equipement), donc ça ne me concerne pas ? Et si le même quidam aperçoit un psychopathe échappé d'un hôpital psychiatrique et recherché par toutes les polices, va-t-il se faire la même réflexion, à savoir qu'il n'appartient pas à la gendarmerie, donc le déséquilibré en vadrouille ne le concerne en rien ?
Y a-t-il une différence entre dénoncer un fou qui risque de s'en prendre à des gens, et signaler un rocher qui menace de s'effondrer sur une route ?
La secrétaire du Syndicat National des journalistes (SNJ) de France 2, Dominique Pradalié, a eu raison de rappeler que, "quand un journaliste est dans le cadre de son métier, c'est la loi sur la protection des sources qui s'applique", ajoutant, au sujet de la démarche du reporter : "On voudrait ruiner le métier qu'on ne s'y prendrait pas autrement." (Sylvie Kerviel)
Si elle a dit ça, alors Madame Pradalié aussi a tout faux ! On pourrait s'amuser à remplacer, dans sa déclaration, "journaliste" par "prêtre catholique", ce qui aurait pu donner ceci :
"Quand un prêtre catholique est dans le cadre de son métier, c'est la loi sur le secret de la confession (cf. le droit canon) qui s'applique"...
JT de 20 h sur TF1, 12 avril 2010. Un reportage est consacré à la pédophilie chez les prêtres catholiques, avec interview d'un prêtre pédophile, anonyme, qui dénonce le silence de l'Eglise : "ce silence est destructeur", déclare-t-il.
De fait, un évêque à qui un prêtre pédophile s'était confié, a fait jouer le secret de la confession. Le prêtre a pris dix-huit ans aux assises, et l'évêque a écopé d'une peine de prison avec sursis, pour non dénonciation...
Les journalistes devraient, donc, savoir qu'au-dessus de leur code de déontologie, il y a le droit, en l'occurrence le Code pénal ! Et dans les violations du code pénal, il y a, notamment, l'entrave à la Justice et la rétention d'informations.
C'est précisément cela qui a justifié la condamnation du prélat susmentionné. Parce qu'il y a ce que pense la représentante du SNJ, et il y a ce que pense le procureur de la République ou le magistrat instructeur. Ceux-là ont pour mission essentielle de faire régner l'ordre public. Et c'est précisément cela qui explique, par exemple, que Roman Polanski soit toujours en butte au zèle du district attorney..., et ce, malgré la volonté de sa victime présumée d'abandonner sa plainte et de voir l'affaire close. Le fait est que l'ordre public est une norme supérieure à toutes les autres, une exigence qui ne dépend en rien de la volonté de la victime éventuelle d'un crime.
Alors, imaginons une situation simple : Dupont, journaliste, recueille les aveux d'un dangereux violeur multirécidiviste, lequel lui avoue toutes ses "conquêtes", ainsi que le fait de s'intéresser à une voisine bien mignonne. Pour ne pas décevoir Madame la présidente du syndicat des journalistes, Dupont décide de garder certaines informations sensibles sous le coude. Le violeur récidive peu après, sur sa si mignonne voisine de huit ans, mais il parvient à échapper à la justice dans un premier temps, car, malgré la garde à vue, les policiers n'ont rien pu en tirer, faute de preuves et d'aveux. Que fait le magistrat instructeur, qui découvre, incidemment, que le violeur n'est autre que le témoin récemment interviewé par Dupont, dans le cadre d'un reportage ? Il fait perquisitionner le domicile et le lieu de travail de Dupont, fait saisir les disques durs de ses ordinateurs, sur lesquels les enquêteurs découvrent la fameuse confession du violeur, avec les fameuses preuves...
Vous pariez combien que Dupont, le journaliste, risque de se retrouver devant une cour d'assises et de ne pas être journaliste pendant quelque temps ? Mais même s'il échappait aux assises (on imagine le tollé du côté de la corporation, avec les cris d'orfraie contre l'intolérable atteinte aux droits sacro-saints des gens de presse !), notre journaliste devrait bel et bien être condamné au pénal, n'en déplaise à Mme Kerviel !
Petit supplément illustré (lu dans Marianne, 10 au 16 avril 2010, p. 12).
Encore un qui n'a rien compris et aurait besoin de cours (du soir) de droit et de sémantique, afin de se faire expliquer le sens de l'expression : "ordre public".
Autre chose :