Extrait du papier :
Elle n’avait plus parlé depuis plusieurs semaines afin d’échapper aux polémiques internes de son mouvement. Pour son retour dans l’arène, jeudi sur Europe 1 et aujourd’hui dans cet entretien exclusif au JDD, Cécile Duflot ne mâche pas ses mots. L’écologiste, opposante irréductible à Nicolas Sarkozy, soutient pourtant le gouvernement dans sa décision de démolir les habitations situées en zone inondable. La position est courageuse, au moment où des habitants se révoltent contre l’Etat, défendus par l’avocate et eurodéputée écolo centriste Corinne Lepage, tandis que Ségolène Royal pousse les feux. Hier matin, sur France Inter, la présidente de la région Poitou-Charentes demandait la "suspension" du zonage. "Je ne comprends pas Ségolène Royal", répond Duflot, qui critique le "discours de simplicité" de l’ex-candidate à la présidentielle et lui oppose un "discours de courage".
Faut-il détruire toutes les maisons situées en zone noire ?
Il ne faut pas permettre que des gens habitent dans des endroits où ils risquent leur vie. Il faut mettre en application des décisions qui auraient dû l’être, pour certaines, avant la construction de ces maisons. Si ces habitations font toujours courir un risque mortel, il faut avoir le courage de les détruire, de manière convaincante et transparente, en expliquant les critères retenus pour définir les zones noires. Il faut du dialogue, il ne faut pas ajouter à la détresse des familles l’humiliation. Il faut traiter ce dossier avec une vraie humanité vis-à-vis des habitants mais aussi avec une vraie fermeté. Si les décisions prises sont justes, légitimes, il ne faut pas craindre de les confronter avec les habitants.
Ségolène Royal ou Corinne Lepage ont-elles tort de défendre les habitants de ces zones sinistrées ?
Je ne comprends pas une position qui consiste à risquer de maintenir des populations dans une situation de danger. Que diront-elles s’il y a une autre tempête ? Qu’on comprenne la détresse de ces familles, leur tristesse, qu’on puisse éventuellement discuter les périmètres si des découpages paraissent inadéquats, pourquoi pas. Mais mettre en cause le principe quand on sait qu’il y a eu plusieurs dizaines de morts, c’est irresponsable. Je ne comprends pas Ségolène Royal, je réfute le discours de simplicité. Il faut, au contraire, un discours de courage.
Que dites-vous aux familles qui refusent qu’on détruise les maisons dans lesquelles elles ont toujours vécu ?
Je leur dis que la question qui se pose quand on est responsable politique est "oui ou non continue-t-on à vous faire courir un risque ?". Et moi, je réponds non.
Mais ceux qui vivent sur place n’y sont pour rien…
Je ne dis pas que c’est simple, ou qu’il faut y aller la fleur au fusil. Si j’étais personnellement concernée, j’aurais sûrement le même type de sentiment. C’est compliqué mais il faut le faire. Je pense aussi à la personne de la DDE qui avait écrit un rapport expliquant le risque de submersion réel et le risque potentiellement mortel, rapport qui n’a pas été suivi d’effets, on ne peut pas dire "on ne savait pas", on ne voulait pas voir, ce n’est pas la même chose.
(...)
Y a-t-il d’autres endroits en France où il faudrait détruire des maisons construites en zone inondable?
La priorité des priorités est d’éviter de construire en zone inondable, il faut mettre en œuvre les plans de prévention et se garder des tentations sous couvert de modernité de desserrer certaines contraintes réglementaires. Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle parlait d’assouplir la loi littoral, par exemple. Pour les élus locaux, c’est très difficile, c’est pour ça que la puissance publique doit avoir un rôle significatif. Les élus locaux sont soumis à la pression des promoteurs, des populations. Il faut de la rigueur.
Aujourd’hui, vous êtes donc du côté de l’Etat et du gouvernement contre les élus locaux…
Oui, on ne peut pas ne pas s’interroger quand des élus ont signé des permis de construire pour des membres de leur famille, on sait que de telles situations existent. Donc il faut mettre en œuvre toutes les cordes de rappel pour éviter ces situations et protéger les populations. C’est vrai que certaines communes sont dans des situations financières telles que l’accroissement de la population leur semble la seule solution. Et le prix de l’immobilier a tellement flambé dans ces zones littorales que certains élus ne résistent pas. Les enfants qui ont grandi là-bas ont d’ailleurs du mal à continuer à habiter dans ces zones, tellement les prix sont élevés. On est favorables à une maîtrise foncière plus importante pour garder la main et lutter contre la spéculation immobilière dans certaines zones.
Vous donnez donc acte à Jean-Louis Borloo d’être un vrai écolo…
Je lui donne acte de faire preuve de courage politique, oui. Mais je ne dis pas que le tracé des zones noires est parfait, je n’ai pas d’avis techniques ni géographiques sur la question.
Vous venez de voir Daniel Cohn-Bendit. Depuis les régionales, vous vous divisez sur la suite à donner à Europe Ecologie, avec parfois des mots très vifs, vous n’avez pas l’impression de gâcher ce que vous avez construit avec des querelles internes ?
Il y a toujours ce risque, mais je suis optimiste et déterminée. Je n’ai pas toujours d’explication à l’attitude de Dany, parfois j’ai de la peine, mais ce n’est pas l’essentiel, il y a peu de divergences cruciales.
La présidentielle, ça vous tente ?
Toujours pas et j’en ai même marre qu’on me pose la question.
Cécile Amar - Le Journal du Dimanche
Vendredi 16 Avril
Autre son de cloche : ou la réponse du berger à la bergère...
(http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/xynthia-royal-denonce-les-propos-immatures-de-duflot-sur-les-zones-noires-17-04-2010-890595.php)
La présidente de Poitou-Charentes Ségolène Royal a qualifié samedi de "malveillants, politiciens ou immatures" les propos de Cécile Duflot (Verts) jugeant "irresponsable" sa position sur les zones noires définies après la tempête Xynthia.
La secrétaire nationale des Verts explique samedi dans une interview au JDD ne pas comprendre la position de Mme Royal qui "consiste à risquer de maintenir des populations dans une situation de danger".
"C'est irresponsable. Je ne comprends pas Ségolène Royal, je réfute le discours de simplicité. Il faut, au contraire, un discours de courage", a-t-elle expliqué en donnant "acte" à Jean-Louis Borloo de "faire preuve de courage politique" dans ce dossier.
"Si ces habitations font toujours courir un risque mortel, il faut avoir le courage de les détruire, de manière convaincante et transparente, en expliquant les critères retenus pour définir les zones noires", a-t-elle expliqué.
Ségolène Royal a réagi samedi dans un communiqué en s'étonnant "des propos malveillants, politiciens ou immatures tenus par Cécile Duflot" à laquelle elle conseille "vivement de venir voir sur le terrain la réalité de la situation".
"Au lieu d'être méprisante, elle comprendrait alors pourquoi les 33 maires des communes concernées et les 8 associations de défense des sinistrés ont demandé à l'unanimité la révision du zonage et non pas, comme elle le laisse croire, la suppression du zonage", écrit l'ex-candidate socialiste à la Présidentielle.
"En effet, poursuit-elle, faute de concertation, des endroits sinistrés ne sont pas intégrés dans les zones alors que d'autres y apparaissent sans raison".
"Par ailleurs, nous demandons que l'Etat tienne sa parole, engage des travaux sur les digues et apporte les aides qu'il avait promises. La responsabilité est du côté de ceux qui sont au contact de la population avec transparence et qui viennent en aide aux sinistrés", a-t-elle conclu.
Pour comprendre les tenants et aboutissants de la "querelle" initiée par Cécile Duflot, relisons les déclarations de Ségolène Royal, telles qu'elles ont été (mal) rapportées par Dominique de Montvalon dans France Soir (15 avril 2010).
(...) La présidente de région a exigé, dans une lettre ouverte adressée à Nicolas Sarkozy et à François Fillon, la "suspension du zonage" et l'ouverture immédiate d'une vraie "concertation", digne de ce nom. (...) Mais Ségolène Royal, souhaitant (...) que chaque personne soit reçue "individuellement" pour connaître le montant des indemnités auxquelles elle a droit) et qu'un plan d'urgence soit mis en place pour accélérer "les travaux sur les digues" (...) s'est bien gardée de dire qu'il ne fallait pas de "zonage" dans les zones concernées. Elle réclame un "nouveau "zonage" à partir d'une "expertise contradictoire non contestée". Si elle se pose, pour les victimes, en recours, elle n'a pas emboîté le pas de ceux qui, sur le terrain, suggèrent (ou peu s'en faut) que de pareilles inondations dévastatrices seraient exceptionnelles et qu'on pourrait continuer à faire comme si... cela n'allait pas se reproduire...
Quand on lit l'interview de Cécile Duflot, on se demande si elle a pris seulement le soin de lire les interventions de Ségolène Royal, avant de se lancer dans la diatribe.
La journaliste :
Opposante irréductible à Nicolas Sarkozy, [Duflot] soutient pourtant le gouvernement dans sa décision de démolir les habitations situées en zone inondable.
Question : Mlle Duflot est du côté de l'Etat et du gouvernement... L'Etat, y compris Sarkozy ? Et dans ce cas, quel Sarkozy ? Celui de l'assouplissement de la loi littoral ou un autre ?
Autre chose : ce soutien au gouvernement date de quand, sachant que la doctrine officielle a notablement évolué ?!
Duflot : Il ne faut pas permettre que des gens habitent dans des endroits où ils risquent leur vie. (...) Si ces habitations font toujours courir un risque mortel, il faut avoir le courage de les détruire, de manière convaincante et transparente, en expliquant les critères retenus pour définir les zones noires. (...) Oui, on ne peut pas ne pas s’interroger quand des élus ont signé des permis de construire pour des membres de leur famille...
Questions :
1) D'où Cécile Duflot tient-elle l'information et sur quelle expertise se fonde-t-elle, selon laquelle la totalité des personnes vivant en zones dites noires seraient menacées de mort ?
2) Sachant que des maisons inondées de dix centimètres d'eau ont été, dans un premier temps, vouées à la destruction, Cécile Duflot considère-t-elle que dix centimètres d'eau fassent courir un risque mortel aux habitants de ces maisons ? Et comment Mlle Duflot explique-t-elle que soixante centimètres d'eau fassent courir un risque mortel et pas un mètre soixante-dix, les reportages télévisés nous ayant montré des maisons en zone noire avec soixante centimètres d'eau, et d'autres hors de zone noire malgré une plus grande hauteur d'eau lors des inondations ?
3) Par ailleurs, qu'est-ce que Mlle Duflot entend par zones noires, sachant que la formule a disparu côté gouvernemental pour devenir "zones de solidarité" ?
Duflot : Je ne comprends pas une position qui consiste à risquer de maintenir des populations dans une situation de danger. Que diront-elles s’il y a une autre tempête ? (...) Mais mettre en cause le principe quand on sait qu’il y a eu plusieurs dizaines de morts, c’est irresponsable.
Etonnant cheminement intellectuel que voilà ! Mlle Duflot n'est sûre de rien quant à la consistance des zones noires ni des critères retenus, mais elle n'en pose pas moins un "principe" inattaquable, de son point de vue. Au fait, il consiste en quoi, le principe évoqué par Duflot ?
Duflot : Si ces habitations font toujours courir un risque mortel (...). Si les décisions prises sont justes, légitimes, il ne faut pas craindre de les confronter avec les habitants
Autre chose : l'idée prêtée à Ségolène Royal, à savoir "maintenir des populations dans une situation de danger" est-elle compatible avec cette autre idée, avancée par Ségolène Royal, à savoir "recevoir chaque personne individuellement, pour qu'elle connaisse le montant des indemnités auxquelles elle a droit..." ? Est-ce qu'on indemnise des gens de la destruction de leur maison ou de leur maintien sur place ?
Duflot : Je ne dis pas que c’est simple, ou qu’il faut y aller la fleur au fusil.
Question : Cécile Duflot a-t-elle entendu Ségolène Royal dire que la situation était simple ? Et si la situation n'est pas si simple, à quoi rime l'interview de Mlle Duflot ?
La journaliste : Vous donnez donc acte à Jean-Louis Borloo d’être un vrai écolo…
Duflot : Je lui donne acte de faire preuve de courage politique, oui.
Question : preuve de courage politique, oui, mais à quel moment ? Au moment des zones noires ou à celui des zones de solidarité ? Par ailleurs, le satisfecit délivré à Borloo se distingue-t-il de celui adressé au gouvernement ?
La journaliste : Aujourd’hui, vous êtes donc du côté de l’Etat et du gouvernement contre les élus locaux…
Duflot : Oui, on ne peut pas ne pas s’interroger quand des élus ont signé des permis de construire pour des membres de leur famille...
Question : Cécile Duflot serait-elle en mesure de soutenir cette thèse (les quelque 1500 sinistrés de Vendée et de Charente sont, tous, des proches parents des élus signataires des permis de construire) devant un tribunal, à supposer que des sinistrés l'attaquent en justice pour diffamation ?
La journaliste :
La position [de Duflot] et courageuse, au moment où des habitants se révoltent contre l’Etat, défendus par l’avocate et eurodéputée écolo centriste Corinne Lepage, tandis que Ségolène Royal pousse les feux... Hier matin, sur France Inter, la présidente de la région Poitou-Charentes demandait la "suspension" du zonage.
À ce propos, relire les déclarations de Ségolène Royal dans France Soir (vendredi 15 avril 2010) ou sur France Inter (16 avril 2010), dont il ressort que la journaliste du JDD déforme manifestement les faits. Mais il y a probablement une raison à cela : le copinage !
Alors, imaginons une Cécile Duflot passablement frustrée de la tournure des événements lors des régionales : au lendemain des européennes, les sondages lui prédisaient une victoire possible sur les socialistes, avec l'espoir de virer en tête au premier tour des régionales, avec de fortes chances de finir présidente du conseil régional. Finalement, rien de tout cela ne s'est produit. Et ne voilà-t-il pas que, les élections à peine terminées, les péchés mignons des écolos rappliquent ventre à terre, cette fois sous la forme d'allusions perfides, voire d'une attaque en règle de Daniel Cohn-Bendit (on aura admiré la discrétion de Duflot et de son intervieweuse sur la question !) contre la cheftaine des Verts ?
Il fallait donc, dare-dare, se trouver un bouc émissaire. Donc, j'appelle une copine travaillant au JDD, et dans la précipitation, dans le coin d'un bistrot, on concocte cette interview de complaisance, archi-bâclée, tant par une journaliste plus qu'approximative dans sa préparation, que par une écologiste, diplômée de l'enseignement supérieur, mais dont le discours a la tenue de celui d'une caissière de Prisunic (pardon aux caissières de Prisunic !).
Je lui [Borloo] donne acte de faire preuve de courage politique, oui. Mais je ne dis pas que le tracé des zones noires est parfait, je n’ai pas d’avis techniques ni géographiques sur la question.
Voilà qui ne manque pas de sel, venant de la Secrétaire nationale du principal parti écologiste de France ! Quel aveu ! Si j'étais militant chez les Verts, j'exigerais la démission immédiate de Cécile Duflot pour cette incroyable démonstration de nunucherie et d'incompétence.
J'observe, en passant, le silence assourdissant des Verts de Vendée et Charente-Maritime, que Mlle Nunuche n'a pas dû prendre la peine de consulter, pas plus qu'elle n'a pris le temps de potasser son dossier, se rapprocher des sinistrés de la tempête... Bref, du travail d'amateur.
Entre nous, malgré les apparences, je ne suis pas (encore) un fan de Ségolène Royal, n'étant même pas socialiste. Mais depuis que j'observe sa trajectoire politique (cf. alors ministre de la famille, elle fut la première et la seule à combattre avec détermination le bizutage dans les grandes écoles, cette prétendue tradition intouchable ; et le bizutage a fait long feu !) l'objectivité la plus élémentaire vous force à admettre que cette femme a un talent rare, réhaussé - par un effet de contrepoint - par la stupidité et l'inconsistance de la plupart de ses adversaires.
Quant aux Verts, ce mouvement politique plein de bonnes idées, mais apparemment voué à être dirigé par des neuneus et des nunuches, si les élections régionales avaient lieu aujourd'hui, il y a fort à parier qu'après les insultes de Cécile Duflot aux sinistrés de la Côte Atlantique, les écolos, notamment ceux de Poitou-Charentes passeraient sous la barre des 10 %.
Un sacré cadeau fait à Ségolène Royal par Cécile Duflot !