mardi 13 janvier 2009

Kapos et garde-chiourme





Faire désigner les dirigeants de l'audiovisuel public par leur employeur naturel qu'est l'actionnaire principal ? Pourquoi pas ? Le problème est que ce n'est le cas ni en Grande-Bretagne, ni en Allemagne, ni dans aucun pays développé de référence, l'Italie étant l'anomalie qui infirme la règle : Silvio Berlusconi aurait dû être interdit de toute pratique politique, étant donnée son implication dans les médias du pays, qui fausse singulièrement le jeu normal d'une saine compétition politique.

On ne voit donc pas en quoi cette nomination par le "roi de France" ferait avancer les principes démocratiques laborieusement établis par les diverses lois sur l'audiovisuel, lois qui se sont toujours appliquées à (j'ouvre les guillemets) "libérer les dirigeants de l'audiovisuel public de la mainmise des politiques" (je ferme les guillemets).

Mais au fait, qu'entend-on exactement par "actionnaire" ?

La redevance de 116 euros, payée par tous les détenteurs d'un téléviseur, contribue bien à financer les chaînes de l'audiovisuel public, non ?! Ce qui fait des payeurs de ladite redevance des actionnaires de fait, non ?! Et voilà comment, forts de cette réalité, nos parlementaires vont nous concocter un bel amendement à la loi sur l'audiovisuel public, prévoyant la prise en compte de l'avis des contribuables payant la redevance audiovisuelle en leur qualité d'actionnaires de fait de l'audiovisuel public. Du coup, les PDG de France Télévisions et Radio France seraient bien désignés, non pas par un "actionnaire" (alias le gouvernement ou le 'roi de France'), mais bien par l'ensemble des actionnaires que sont les contribuables.

Une désignation on ne peut plus démocratique ! Vous imaginez l'autorité dont jouirait un PDG de France Télévision ou de Radio France, qui aurait été élu par le peuple français ?

Et là, je dis : CHICHE !

Observons, en passant, que si, depuis François Mitterrand, on a bien tenté de couper le cordon (ombilical), ou mieux, la laisse faisant des dirigeants de l'audiovisuel public les chiens-chiens du pouvoir politique, avec ligne directe de téléphone, comme au bon vieux temps d'Alain Peyrefitte et d'un certain général, les employés de l'audiovisuel public, quant à eux, n'ont jamais bénéficié du moindre dispositif les protégeant des oukases de leurs dirigeants.

C'est ainsi qu'on a pu voir, tout récemment, l'émission de Daniel Mermet (Là-Bas si j'y suis, France Inter), irrémédiablement déplacée de 17 heures à 15 heures, par décision du petit Staline (d'aucuns diraient du petit Kapo) de France Inter, et ce, malgré moult protestations des auditeurs, pourtant modestes et géniaux. Plus récemment encore, l'ami Frédéric Bonnaud a dû quitter précipitamment France Inter, pour avoir manifestement déplu à un Kapo, tout comme ce cher Frédéric Ferney a vu son émission littéraire, sur France 5, purement et simplement rayée de la carte par le petit Kapo de service. Je pense encore à RFI (laquelle, il est vrai, ne dépend pas du CSA, et alors ?) et à quelques mises au placard voire départs retentissants. Et comment oublier l'infortune d'Ulysse Gosset, que nous rappelons ici...




Extraits :

- Vous êtes viré de France 24, dont vous êtes un des fondateurs. Pourquoi ?

- Je me pose toujours la question et je ne suis pas le seul. (...) Quant à l'audience, je suis consterné. Nous n'avons jamais eu les audiences, on les demande, mais en vain. Alain de Pouzilhac fait référence à une étude totalement mystérieuse (...) réalisée sur 240 personnes dans 4 pays. Qu'il la publie, cette étude !

Où l'on voit que l'audimat est aussi, et surtout, un outil de coercition utilisé par les dirigeants de chaînes pour justifier quelques réglements de comptes internes et quelques mises au placard. On voit bien que c'est un instrument qui n'apporte strictement rien dans l'amélioration des rapports entre les chaînes et le public. Ce n'est qu'un instrument de propagande et de coercition.



Les chaînes privées continuent à raisonner en Audimat plutôt qu'en qualité des programmes... Elles ont tort.

Ce lecteur du Monde.fr a aussi tort en accusant les seules chaînes privées de s'adonner encore au dieu Audimat. Les chaînes publiques continuent, elles aussi, de pâtir du manque d'imagination de leurs dirigeants, en raison, notamment, des liens de subordination les rattachant à Me(r)diamétrie, l'argument du manque d'audience de telle ou telle émission n'étant qu'un prétexte fallacieux. Pensons à Animalia, Cinéma Cinéma, Moi je, au Divan de Chapier, et autres programmes de référence.

Autant dire qu'inventer une Haute Autorité ou un CSA pour, soi-disant protéger les dirigeants de l'audiovisuel de l'ingérence des politiques était une mesure nécessaire mais manifestement insuffisante !

Et c'est là que j'entends, un jour, à la télévision, ce spot où l'on nous assène qu'à France Télévision, le premier partenaire, c'est vous ! Et là je me dis : "Non, mais sans blague ! Nous prendrait-on enfin au sérieux, nous autres chers téléspectateurs et chers z'auditeurs ?!" Parce que, si on commence à tenir compte de nos desiderata, alors, du coup, on va l'avoir, la fameuse révolution socio-culturelle chère à Monsieur Duhamel Patrice ! Le fait est que le site Internet de France Télévision recueille désormais l'avis des téléspectateurs, que l'on peut, ainsi, "sonder" de manière rapide et peu coûteuse ! Autant dire que l'audimat est en train de vivre ses derniers instants !

Star Académie, Nouvelle Star, Élection de Miss France... : le public appelle, et, en temps réel, son avis est enregistré et peut faire basculer un résultat. Sur RTL, tous les week-ends, l'émission Stop ou Encore permet aux auditeurs d'influer sur une programmation ; il y avait aussi cet ancien programme du samedi, sur TF1, qui permettait aux téléspectateurs de choisir les séries diffusées dans l'après-midi ; on a encore le Téléphone sonne, sur France Inter, C dans l'air, sur France 5, toutes émissions faisant copieusement appel à l'avis du public...

Et l'on continue de nous imposer de nouveaux programmes, voire à nous priver d'émissions, uniquement par voie d'oukases à la mode stalinienne, en se moquant éperdument de l'avis du public.

Et si députés et sénateurs faisaient preuve, une fois n'est pas coutume, d'un peu d'imagination, en nous amendant cette ineptie concoctée par l'intermittente du spectacle du ministère dit de "la culture" ? Cela pourrait prendre, par exemple, la forme d'un amendement au projet de loi sur l'audiovisuel public, amendement imposant que le public soit massivement consulté avant toute déprogrammation ou modification de programme. Le même amendement pourrait accorder un droit de veto au personnel des chaînes lors de la nomination d'un chef de service voire de la (pro)déprogrammation d'une émission.

En bon français, ça s'appelle la démocratie !

Les outils ? Le téléphone, les SMS, Internet, etc.

Rêvons un peu, et supposons que les dirigeants de l'audiovisuel public aient - une fois n'étant pas coutume ! - un peu d'imagination. Ça pourrait nous donner, par exemple, sur France 2, 3, 4, 5, entre les émissions, de petits spots invitant les téléspectateurs à noter l'émission qu'ils viennent de voir ou qu'ils vont voir, en se connectant sur Internet ou via le téléphone. Et à la fin de l'émission, on nous afficherait, en direct, les statistiques élaborées par les ordinateurs, sous la forme, par exemple, d'un camembert, avec en vert, ceux qui ont adoré l'émission, en orange ceux qui l'ont trouvée intéressante, et en rouge ceux qui ont détesté. Thierry Ardisson avait déjà eu cette idée, lorsqu'il animait son fameux ARDIMAT, sur la Cinquième de Berlusconi, me semble-t-il. Mais je ne pense pas qu'il soit propriétaire du concept consistant à faire noter une émission par le public !

On pourrait même imaginer une émission du type de l'"Hebdo du médiateur", au cours de laquelle le médiateur en question viendrait commenter, en compagnie de tel animateur, journaliste ou producteur, les résultats des statistiques hebdomadaires.

On me dit que France Télévision concocte déjà une sorte de Qualimat ?




France Télévisions publie, depuis un an, un baromètre qualitatif mensuel portant sur les programmes de 1ère et de 2ème partie de soirée pour France2 et France3, et sur l'ensemble des émissions de France5. Les notes sont données par un panel de plusieurs milliers de téléspectateurs, représentatif de la population...

Ben voilà une idée qu'elle est bonne, comme aurait dit Coluche. Je suggère seulement d'aller plus loin : ce "qualimat"-là est mensuel. Pourquoi ne pas le rendre quotidien ? Et puis, pourquoi se contenter d'un panel soi-disant représentatif ? A la Nouvelle Star ou à Star Académie, pour l'élection de Miss France, c'est bien en temps réel que les votes du public sont pris en compte, non ?

France Télévisions a largement les moyens d'innover en matière de consultation du public, et si, d'aventure - ce dont je doute -, Thierry Ardisson était le propriétaire du concept de la notation des émissions en direct par les téléspectateurs, alors il faudra lui en payer un bon prix, qui sera, de toute façon, bien inférieur aux paquets de millions d'argent public que l'on dilapide chaque année au profit de Me(r)diamétrie.

Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est que les dirigeants de l'audiovisuel, public et privé, n'aient pas encore réalisé que l'on avait changé d'époque : une de mes voisines, qui avait besoin de faire vérifier son installation de télévision par câble, m'a prié de lui donner un coup de main pour localiser des chaînes arabes. J'ai pris la télécommande et appuyé six cents fois sur le bouton ; à chaque fois, j'ai entendu une nouvelle langue ; la chose m'a pris une bonne vingtaine de minutes. Et l'on nous annonce des chaînes de télévision sur téléphone portable et autres gadgets portatifs.

Autant dire que l'audimat et la télévision de Grand Papa, c'est vraiment de l'histoire ancienne !