Une interview inutile. Une interview pour rien !
Quand je pense que j'ai, ici même, traité Cécile Duflot de "Mlle Nunuche" !
Quoi qu'il pense de lui-même, et quoi qu'il fasse pour se mettre en scène ("je les reçois en face à face !"), Bourdin est un médiocre intervieweur. Mais en bonimenteur des ondes, je ne vois pas pourquoi il se priverait de recevoir des personnalités susceptibles de le faire mousser. Et je suppose que s'il a invité Ségolène Royal ce matin-là, c'est parce qu'il espérait qu'elle lui livrerait la sempiternelle petite phrase qui ferait le buzz à peine l'interview terminée. Ce qui fut fait, du reste.
Mais il faut croire qu'elle-même n'en est plus trop convaincue !
Devant Ferrari, Royal a dénoncé un effondrement des valeurs morales. Lors d'une réunion avec des élus de droite et de gauche, elle a entendu le mot "corruption", embrayant sur "le système Sarkozy aujourd'hui est corrompu !".
À propos de la corruption, elle consistait, selon Montesquieu, 1. en un mélange des biens publics et des biens privés ; 2. dans la perte de tout sens du bien commun ; 3. le système profite d'une totale impunité.
Puis elle a énuméré les revenus faramineux, contrastant avec la misère des autres, l'avion présidentiel à 180 millions, argent qui pourrait servir à faire reculer l'insécurité dans les cités sensibles, les retraites, sur lesquelles elle a réclamé un referendum...
À propos de l'affaire Woerth..., elle a récusé la théorie de l'acharnement de l'opposition, demandant à son intervieweuse : "Dans quel autre pays, dans quel autre pays, Laurence Ferrari, un ministre serait encore en place dans les conditions que les Français connaissent aujourd'hui ?"
À la question : Est-ce que vous vous considérez toujours comme la meilleure opposante de Nicolas Sarkozy (Question tellement plus subtile que les effets de gros sabots des Bourdin et autres Aphatie !) ? Ségolène Royal a tout aussi subtilement répondu que c'est le peuple qui était l'opposant de Nicolas Sarkozy...
Lu sur un blog (http://www.gabale.fr/?p=3606) qui résume fort bien les déclarations de Royal à Bourdin, rappelant que certaines de ces déclarations avaient déjà été tenues sur France 5, quelques mois plus tôt.
« Quand la droite rêve d’une guerre entre les deux femmes […], elle se trompe. Cette guerre n’existera pas. Je ne serai pas candidate contre Martine Aubry si elle décide de l’être. J’apporterai tout mon soutien. Et inversement, je ferai pour le mieux si le PS se rassemble autour de moi [...] Je ne serai pas candidate contre Martine Aubry ou DSK parce que, de toute façon, s’il y a un conflit, c’est ingagnable. Je suis suffisamment responsable, suffisamment aguerrie en politique pour comprendre cela, c’est donc le plus déterminé, le meilleur d’entre nous, celui qui sera en meilleure position qui le sera »
C’est la petite déclaration finale que les médias ont retenue sur une intervention d’une vingtaine de minutes pourtant consacrée, pour l’essentiel, à quantité d’autres sujets (corruption, bouclier fiscal, retraites et référendum d’initiative populaire, Heuliez).
Malgré l’insistance du journaliste, Ségolène Royal a su esquiver et manier la litote qui donne un sens beaucoup plus fort à sa pensée. En somme, elle a exprimé le moins pour signifier le plus.
Quel est alors le but recherché de son intervention ?
À mon sens, il y a plusieurs motivations implicites à la base de l’intervention de la leader socialiste.
etc., etc. Fin de citation.
Je laisse ce brave admirateur de Ségolène Royal à ses élucubrations.
En tout cas moi, si j'en avais été, j'aurais certainement déchiré ma carte d'admirateur de Mme Royal le jour même. Le fait est que les défections ont été nombreuses dans son camp, défections qu'elle a entrepris visiblement de légitimer, histoire de dire : "Vous voyez ? Ils ont eu raison de me quitter !" Et à ce niveau, ce n'est plus de la nunucherie, mais du (sado-)masochisme !
Le fait est que les offres de service ou de "soumission" (les éthologistes distinguent, dans les meutes animales (hyènes, lycaons, loups, etc.) des individus dominants et des dominés, ces derniers passant leur temps à convaincre les dominants de leur soumission et de leur disposition à ne pas se mettre en travers de leur route !) à Aubry et Strauss-Kahn, n'ont trouvé aucun écho en retour. Et l'on comprend bien pourquoi : Martine Aubry expliquait les raisons d'un pacte entre elle et Strauss-Kahn par le fait qu'au dernier congrès, ils avaient cosigné la même motion. On comprend, dans ces conditions, qu'ils puissent être solidaires. Mais Ségolène Royal ? A-t-elle seulement parlé de programme, ou considère-t-elle que ces questions sont subalternes, et que ceux et celles qui l'ont rejointe dans Désirs d'Avenir, par exemple, par répulsion à l'égard des autres, vont la suivre aveuglément dans sa navigation à vue ? Avant de faire allégeance à Strauss-Kahn et Aubry, Ségolène Royal a-t-elle seulement pris soin de consulter ses supporters, conformément à son inclination - pas si ancienne mais peut-être déjà aux oubliettes ! - pour les débats participatifs ?
Quant aux lamentations entendues en marge de l'élection au premier secrétariat, relatives à des fraudes, faut-il comprendre que, là encore, Ségolène Royal considère que ceux et celles qui l'ont rejointe par répulsion contre les fraudes, vont passer l'éponge, uniquement pour lui faire plaisir ?
Le premier chapitre de l'ouvrage d'Antonin André et Karim Rissouli, Hold-ups, arnaques et trahisons (Ed. du Moment, 2009, pp. 11-31), intitulé "Hold-up royal", commence par cette phrase : "On ne prend plus de gants, vous bourrez les urnes !", les auteurs s'évertuant à démontrer l'ampleur du trucage dont Ségolène Royal a été la victime de la part de l'appareil socialiste, notamment dans la Fédération du Nord. Des accusations à peine croyables, et contre lesquelles le PS s'est bien gardé de porter la moindre plainte pour diffamation ! Elles sont donc présumées exactes. Et voilà que Ségolène Royal veut nous faire croire que tout ça serait balancé à la rivière. Mais même en imaginant que Mme Royal ait fait l'objet d'une "visitation", difficile d'imaginer que tous ses supporters aient été touchés par l'Esprit Saint !
Parlons du fond : une alliance politique suppose des convergences de vue au niveau programmatique. Or, je constate que Ségolène Royal se trouve être la seule personnalité socialiste à disposer d'un programme à peu près exhaustif, je veux parler de ses "Cent propositions" présentées lors de l'élection de 2007.
Comment expliquer qu'une personne disposant donc d'un programme aussi détaillé, puisse annoncer s'effacer devant des gens qui, eux, n'ont encore esquissé aucun programme et, en tout cas, n'ont jamais prétendu faire leur le programme de Ségolène Royal ?
Mais peut-être Mme Royal va-t-elle nous expliquer que ces cent propositions n'étaient que broutilles et peccadilles, vite jetées à la rivière. Et tant pis pour ceux et celles qui y ont cru en 2007 ; ils et elles n'avaient qu'à ne pas croire n'importe quoi !
Quand je pense que j'avais traité Cécile Duflot de nunuche !
Seulement voilà : il se passe des choses dans le Landerneau politico-médiatico-judiciaire, avec ces deux bombes que sont les affaires Karachi et Bettencourt.
Et pour ne prendre que la dernière, si l'on veut bien oublier l'écran de fumée Woerth, force est de constater que LA question que tout le monde se pose tient à la régularité de l'élection présidentielle de 2007. Car s'il venait à être prouvé qu'un candidat a délibérément faussé l'équilibre du scrutin, alors la preuve serait faite que Ségolène Royal s'est fait voler d'une victoire méritée.
Et ça, ça change(rait) tout !
Est-ce pour cette raison que, dans le camp de Ségolène Royal, d'aucuns (Najat Belkacem) entreprennent un virage sur l'aile ?
Wait and see!
(1) Tiens, à propos, comment ne pas pouffer de rire devant ce petit chef-d'oeuvre de langue de bois livré par une Elisabeth Guigou, pareille à elle-même : creuse et insipide (in lemonde.fr) ? En tout cas, si le propos fort édulcoré de Mme Guigou représente la ligne de conduite de la direction du PS, nous le saurons bientôt... Ça commence pompeusement par un titre bien accrocheur : "L'affaire Woerth-Bettencourt nuit gravement à la démocratie." Et puis, quand on gratte un peu :
Le Monde : Qu'est ce qui vous semble le plus grave dans cette affaire ?
E. Guigou : Pour le moment, le plus dévastateur, c'est la question du conflit d'intérêt. Certes, M. Woerth affirme qu'il n'a pas fait embaucher sa femme par Patrice de Maistre. Mais le seul fait de ne pas se rendre compte qu'il y a une difficulté à ce que la femme du ministre du budget soit embauché par des gestionnaires de fortune - dont le seul objectif est de faire ce qu'on appelle pudiquement de "l'optimisation fiscale" - dépasse le bon sens. D'autant que dans le cas qui nous intéresse, il y a eu fraude fiscale.