Ce slogan a été lancé, un matin de grève, à une femme marchant non loin de moi, alors que nous longions un piquet de grève posté devant un garage de bus de la RATP. À la dame qui leur reprochait de manquer de civisme, avec leurs grèves à répétition, des grèvistes rigolards ont rétorqué par le fameux slogan "R.A.T.P.! : Rentre Avec Tes Pieds !"
Sur une durée assez longue, la marche à pied, c'est excellent pour perdre des kilos ! On devrait, donc, réclamer aux conducteurs et machinistes des transports publics franciliens plus de grèves et d'arrêts de travail !
Mais ce n'est pas de grève que j'aimerais parler. Le problème qui me préoccupe a suscité le petit courrier qui suit, que j'ai récemment adressé à trois des principaux candidats aux élections régionales des 8 et 14 mars 2010 en Île-de-France, je veux parler de MM. Jean-Paul Huchon (Président de Conseil Régional) et Dominique Bussereau (Ministre des transports), ainsi que de Mesdames Valérie Pécresse et Chantal Jouanno, respectivement têtes de liste del'UMP pour l'Île-de-France et pour Paris : un président de région et trois ministres, autant dire quatre décideurs.
Courrier postal adressé aux intéressé(e)s le 11 mars 2010, avec copie aux PDG de la SNCF et de la RATP.
Mesdames, Messieurs,
Ces derniers temps, il a beaucoup été question des transports dans le "buzz" médiatique concernant la campagne des régionales en Île-de-France, et l'on a eu droit à la sempiternelle "question-piège" sur le prix du ticket de métro et autres "amusettes".
J'aimerais juste dire à certains journalistes que je ne connais pas beaucoup d'usagers des transports franciliens qui connaissent le prix du ticket de métro, pour la bonne et simple raison que les usagers habituels utilisent une carte Orange, devenue carte Navigo. Et comme j'achète des recharges pour trois, voire quatre zones, il n'y a que ces deux prix-là que je connaisse... Il n'y a que les touristes et usagers de passage qui achètent des tickets de métro ou de bus à l'unité. Certains journalistes feraient bien de s'en rappeler, et d'arrêter de nous bassiner avec le prix de la baguette (je n'achète jamais de baguettes, moi qui ne consomme que du pain complet !) ou du ticket de ceci ou de cela !
Le fait est qu'il y a des choses bien plus importantes que le prix de la baguette ou du ticket de métro.
Il est, en effet, de notoriété publique, que RATP et SNCF sont deux entreprises d'État, même pas en cours de modification de leur statut comme ce serait le cas de la Poste, et même pas en situation de privatisation avancée, comme ce serait le cas de France Télécom. Ce qui veut dire que SNCF et RATP voient leurs dirigeants désignés en conseil des ministres, tout en constituant le coeur du dispositif connu sous le sigle de STIF (Syndicat des Transports de l'Île-de-France).
Il se trouve qu'il y a quelques mois, en allant prendre mon train à la gare RER de Nanterre, j'ai, comme d'autres usagers, été interpellé par une cohorte d'usagers en colère et bien décidés à s'opposer à la fermeture annoncée des deux guichets de vente des tickets au sein de la gare, pour être remplacés par des automates, conformément à une politique appliquée systématiquement dans toute l'Île-de-France.
Visiblement, nos usagers énervés n'ont pas pesé bien lourd dans la balance, puisque les travaux d'aménagement ont bien été conduits, entraînant la mise en place de distributeurs automatiques, la présence humaine se réduisant désormais à la fourniture de renseignements, ainsi qu'on peut le voir ci-dessous.
RER A, Gare de Nanterre-ville : en jaune le kiosque d'information, en vert, les distributeurs automatiques, et malheur à celui ou celle qui ne possède aucune carte de crédit !
La conséquence du phénomène est visible partout, avec des attroupements inévitables, comme l'illustrent les photos ci-dessous, ici en Gare de Lyon, où l'on peut constater que le gain de temps assuré par le TGV se voit anéanti par les longues stations dans des files d'attente devant un seul agent, mais plus souvent devant des automates. Les quatre photos qui suivent ont été faites à quelques minutes d'intervalle, soit l'une après l'autre et au même endroit, devant les guichets du métro de la Gare de Lyon, à Paris.
Paris passe pour la ville la plus visitée du monde. Mais il faut croire que d'aucuns, en France, ont décidé de ruiner ce statut, en décourageant les touristes de venir en France. C'est ainsi que j'ai passé, tout récemment, une vingtaine de minutes, dans le long couloir menant du RER A (Auber) à la station Saint-Lazare (Ligne 13), moyennant au moins un aller-retour, le tout pour tenter de renseigner deux ressortissantes d'un pays de l'Est de l'Europe ne parlant aucune langue connue de moi-même. J'ai fini par comprendre qu'elles cherchaient à rejoindre la ligne 12 du métro, tout en essayant d'acheter des tickets. Quadrature du cercle ! Essayez donc de trouver un plan de métro dans cet immense couloir ! Je me doutais bien qu'il n'y avait aucune connection avec la ligne 12, mais elles étaient persuadées qu'il y avait un passage... Et, pour commencer, il fallait trouver des tickets, c'est-à-dire disposer d'une carte de crédit et bien lire les indications... Comme j'avais plein d'obligations, je me suis résolu à les abandonner à leur triste sort.
Je me souviens encore de cette famille allemande, toujours en gare d'Auber, cherchant désespérément un kiosque non automatique, donc avec présence humaine. On a pris presque tous les escaliers de la station, dans un sens, puis dans l'autre. En fait, tout dépend de quel côté on arrive dans la grande salle de correspondance. Ça m'a coûté un bon quart d'heure mais je me doute bien que, seuls, nos Allemands y auraient passé l'heure !
La principale destination touristique du monde, qui se moque du monde, à en juger par la manière dont on traite les usagers des transports, à commencer par les touristes étrangers !
Et c'est là que je m'interroge : SNCF et RATP n'étant pas des entreprises privées et étant dotées d'autorités de tutelle, deux hypothèses s'offrent à nous :
- ou bien la réduction drastique de toute présence humaine dans les gares a été décidée en concertation avec les autorités de tutelle, lesquelles sont, donc, co-responsables du marasme décrit plus haut ;
- ou bien ces deux entreprises ont agi en toute indépendance, et c'est là que j'aimerais bien que tant le président de région que les ministres susmentionnés me disent s'ils (elles) approuvent ou désapprouvent cette évolution, et dans le dernier cas, s'ils (elles) ont l'intention de s'y opposer. Mais dans cette dernière hypothèse, on s'expliquerait mal que SNCF et RATP manifestent si peu de considération pour leurs autorités de tutelle !
Les touristes adorent la France mais aiment moins les Français, titrait, un jour, Le Figaro, évoquant le manque de politesse généralisé auquel étaient confrontés les visiteurs étrangers.
En tout cas, une chose est sûre : l'image de la France, (encore) première destination touristique du monde, ainsi que de sa vitrine parisienne, ne cesse de se dégrader, à en juger par les avis des nombreux touristes qu'il m'arrive de renseigner dans la rue ou les transports : je pense au sentiment de dégoût absolu qu'éprouvent tant de gens à la vue de crottes de chien sur les trottoirs, voire dans des jardins publics, pour n'évoquer que cette spécialité française que le monde ne nous envie pas !
Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que métro et RER se déshumanisent, ce qui conduira, tôt ou tard, à des campagnes internationales de boycott, relayées par l'Internet, par exemple.
Et quand le nombre de touristes visitant la France, donc Paris, commencera à décliner sérieusement, à la suite de campagnes de lobbying, peut-être verra-t-on alors les autorités se décider, enfin, à prendre le taureau par les cornes, mais il sera peut-être trop tard !
Veuillez agréer, Mesdames, Messieurs, l'expression de mes salutations les plus distinguées.
R. W.
Post scriptum
Le jour-même où j'ai posté ce courrier, je me retrouve dans un bus de la ligne 38, entre Luxembourg et Strasbourg-Saint-Denis. Le machiniste semble marmonner quelque chose dans sa barbe, ce qui incite à tendre l'oreille. En fait, ce brave homme joue les guides touristiques et semble bien connaître l'histoire des sites visités par le bus. C'est ainsi que l'on apprend que la Rue des Lombards doit son nom au fait qu'elle hébergeait, jadis, des prêteurs sur gage originaires de Lombardie. Quant au Boulevard de Sébastopol, il rappellerait une prise de guerre intervenue durant la guerre de Crimée, où s'est illustré un certain général Mac-Mahon, auteur de la célèbre maxime : "J'y suis, j'y reste !".
À en juger par la (le sourire en forme de...) banane qui s'affichait sur le visage des voyageurs, notre machiniste a dû se tailler un franc succès. Comme quoi, à la RATP, il n'y a pas que des grèvistes ronchons. On y rencontre aussi des (au moins un) machiniste(s) cultivé(s) et doué(s) d'humour !
Lu sur liberation.fr (16.03.2010), à propos de la multiplication des actes de violence dans les trains de banlieue :
«Le climat est tendu depuis des mois, avec l'apparition d'un phénomène de bandes, mais jusqu'ici c'était des insultes, des coups de poing. Avec les attaques au couteau, on franchit un cran», alerte Olivier Gendron, de la CGT Saint-Lazare.
Pour Dominique Malvaud, son homologue SUD-Rail, la recrudescence des agressions et incivilités est nette depuis environ deux ans. «Rien que ces deux dernières semaines, un conducteur a été agressé et une contrôleuse a été giflée alors qu'elle venait en aide à des passagers.»
«Il faut réinvestir les gares. Dans les années 90 nous avons connu la même situation. Et nous avons réussi à faire baisser le nombre d'agressions en remettant des agents dans les gares, ça a très bien fonctionné. Aujourd'hui, des gares sont à nouveau désertées, faute d'agents, alors qu'on sait que certaines ne doivent surtout pas être laissées à elle-mêmes.» Et d'insister sur le fait que les cheminots ne sont pas les seuls concernés: «Pour un contrôleur agressé, il y a dix voyageurs victimes des violence dans les trains. Seulement, eux ne peuvent pas faire grève.»
Olivier Gendron plaide aussi pour le renforcement la présence des agents dans les gares et lignes connues pour être sensibles, surtout le soir et le week-end. Il faudrait selon lui 140 agents de plus. «Il n'est pas rare que nous soyons obligés de fermer des gares deux-trois jours à cause du manque d'effectifs. La direction nous répond qu'il y a toujours la machine sur le quai pour acheter les billets. Mais une gare sans personne, ça devient vite un lieu de rassemblement pour les jeunes, où tout peut se passer.»
Petit supplément illustré (lepost.fr, 07.04.2010) :