lundi 14 décembre 2009

Politocratie


Jean-Michel Normand écrit des articles dans le quotidien Le Monde. Jean-Michel Normand est un politocrate. Vous vous demandez certainement ce que c'est qu'un politocrate. C'est comme bureaucrate, phallocrate, autocrate, ploutocrate... La devise des politocrates pourrait être cette formule par laquelle Jules-Edouard Moustique entame toujours ses apparitions télévisées : "L'actualité, c'est vous qui la vivez, c'est nous qui en vivons."

Le politocrate Jean-Michel Normand s'est, donc, fendu d'un long papier dans Le Monde daté du 12 décembre 2009, un papier entièrement consacré à Ségolène Royal, sur une pleine page. Accroche : "Ségolène Royal multiplie les coups d'éclat, qu'elle décide parfois seule. Le but : s'adresser directement à l'opinion, au-delà du parti socialiste." Suit ce gros titre : La tactique du défi permanent.

Nous y lisons, entre autres choses, ceci : Ségolène Royal peut se flatter d'avoir expérimenté un mode opératoire inédit : détourner un événement politique extérieur afin de l'amplifier et d'en devenir l'épicentre. Ce fut le cas de son attaque en piqué, qui, le 14 novembre, a semé le trouble, à Dijon, lors de la réunion du Rassemblement socialiste, écologiste et démocrate. Ou du brulôt de sa proposition formelle d'alliance dès le premier tour en Poitou-Charentes, expédiée en plein congrès du Modem réuni à Arras...

Détourner un événement politique extérieur, nous dit Monsieur Normand. Et c'est là qu'on aimerait savoir en quoi la réunion d'un club socialiste, dont nous savons que sa seule raison d'être, à l'origine, fut de soutenir la candidature de Ségolène Royal à la tête du parti, serait assimilable à un événement politique extérieur (à Ségolène Royal, s'entend) ; du reste, il suffit de lire, dans les forums de discussion, les contributions des militants dudit courant, pour comprendre que, pour l'écrasante majorité d'entre eux, Ségolène Royal était chez elle à Dijon ! Quel dommage que monsieur Normand n'ait pas commencé par reconnaître cette évidence ! Cela lui aurait probablement évité de pondre un long article, pour le coup, devenu obsolète !

Quant à la proposition d'une alliance avec le Modem, lors des prochaines régionales, on ne voit pas très bien, là encore, ce que cela a d'extérieur..., s'agissant d'une proposition destinée uniquement au Modem local et non à l'appareil du parti de François Bayrou.

Jean-Michel Normand : (...) La bataille pour 2012, désormais, n'est plus celle du Parti mais celle de l'opinion, à laquelle il faut adresser régulièrement des messages. (...) Au PS, justement, beaucoup évoquent une fuite en avant... Ségolène Royal radicalise ses formes d'intervention. Elle est devenue un leader populiste de gauche. Et les populistes ne font pas de la politique comme les autres... Ce décalage entre le PS et celle qui a porté ses couleurs en 2007 fait resurgir la question récurrente...

À propos du "beaucoup évoquent une fuite en avant...", on se demande à qui M. Normand fait allusion : aux apparatchiks du Parti socialiste ou aux militants ? Et là, on se demande sérieusement si J.-M. Normand a la moindre idée du métier de "personnage politique", lui qui semble avoir oublié que la direction du parti socialiste n'a toujours pas porté plainte contre les deux journalistes qui l'ont, par pamphlet interposé, accusée d'avoir bourré les urnes lors de la désignation du premier secrétaire. Le même Normand semble s'étonner qu'un(e) élu(e) du peuple communique avec le peuple, ne serait-ce que pour rendre compte de l'avancement du mandat qui lui a été confié. Quant à la bataille pour 2012, où Monsieur Normand a-t-il entendu Ségolène Royal affirmer qu'elle constituait son horizon immédiat ? Dans toutes ses interventions récentes, Ségolène Royal a toujours affirmé qu'elle avait d'autres préoccupations pour le moment. N'est-ce pas faire preuve d'une phénoménale mauvaise foi que de s'entêter à faire dire à quelqu'un le contraire de ce qu'il/elle dit ?

Par ailleurs, notre politocrate du Monde semble avoir oublié un des fondements mêmes du système bonapartiste mis en place par De Gaulle en 1958/1962, consistant à faire de l'élection présidentielle la rencontre d'un homme/d'une femme avec le peuple, le tout, sans recours aucun (surtout pas !) à l'intermédiation d'un parti politique. Jean-Michel Normand imagine-t-il Charles de Gaulle suspendu à l'investiture d'un parti politique pour se présenter à l'élection présidentielle ?

Malgré toutes ses contorsions, pour, in fine, se contenter de répéter les mêmes choses entendues mille fois au sein d'un certain microcosme (Ségolène : la cousine un peu marginale de la famille), Jean-Michel Normand a tout de même réussi quelque chose qu'il n'avait certainement pas prévu, à l'entame de son papier : nous prouver que Ségolène Royal est la seule responsable du parti socialiste à avoir parfaitement intégré les fondamentaux de la Cinquième République, d'où ce qu'il appelle le "décalage" avec le Parti !

Parce qu'il faudra bien que les bonapartistes refoulés du ci-devant Parti socialiste finissent par intégrer le fait que les partis politiques n'ont strictement rien à voir avec l'élection du Président de la République au suffrage universel, et que ceux qui en doutent relisent les mémoires de De Gaulle !

Par ailleurs, rappelons que, lors de la présidentielle de 2007, la cousine un peu marginale a quand même obtenu une trentaine de points de plus que Jospin en 2002 ; elle est arrivée, au second tour, en tête dans des circonscriptions régulièrement perdues par la Gauche (comme dans le 5ème arrondissement de Paris, où Lyne-Cohen Solal s'est toujours ramassée, ou encore à Drancy, où le député-maire, Jean-Christophe Lagarde, a fait un carton aux législatives puis aux municipales, etc.) ; sans parler des Dom-Tom, où elle a fait beaucoup mieux que Jospin et la "régionale de l'étape", Christiane Taubira, réunis, en 2002 !

On se rappellera aussi qu'en 2007, Martine Aubry a "offert" son fauteuil de député à son concurrent de l'UMP, gentillesse que Vincent Peillon avait déjà commise, pour sa part, en 2002, avant de la rééditer en 2007, alors même que Ségolène Royal, quant à elle, mettait ses actes en accord avec ses paroles, en renonçant à son siège de député, tout en trasmettant le flambeau à Delphine Batho, histoire de conserver la circonscription à gauche. Voilà ce que monsieur Normand appelle agir en cousine marginale !

Quant au concept même de "coup d'éclat", monsieur Normand, dont on se demande si c'est un observateur neutre (= objectif) de la vie politique, ou alors le porte-parole de telle ou telle obédience partisane, n'hésite pas à avancer qu'"à plus court terme, une autre question contrarie (sic !) les dirigeants socialistes : quel coup d'éclat pourrait bien tenter Ségolène Royal, qui se rendra, mardi 15 décembre à Copenhague, au sommet sur le réchauffement climatique ?"

Et là, on pourrait imaginer tout ce qui pourrait "contrarier" les grands manitous du parti de la Rue Solférino : qu'Heuliez soit définitivement sauvé et que la présidente du conseil régional de Poitou-Charente profite de son séjour danois pour faire avancer la cause de la petite voiture électrique, attirant de nouveaux investisseurs au passage ? Que le prototype de lycée Haute Qualité Environnementale, créé en Poitou-Charentes, fasse des émules dans le monde entier ? Bref, que la région Poitou-Charentes, par l'intermédiaire de sa présidente, s'offre, et partant, offre à la France, un beau coup de pub au niveau international ?

Rappelons à Jean-Michel Normand le dernier coup d'éclat de Ségolène Royal au niveau international : lors de la commémoration du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, Ségolène Royal est la seule représentante du parti socialiste à avoir fait le voyage, en tout cas la seule qui se soit fait remarquer, et surtout la seule, de tous les intervenants, à avoir souhaité voir tomber "tous les murs", on pense, notamment, à ce mur qui défigure la Palestine..., comme on se souvient que Ségolène Royal fut, durant la dernière campagne présidentielle, la seule personnalité socialiste à faire le voyage de Gaza, après avoir fait un crochet par le Liban, où elle a tenu à rencontrer tous les protagonistes de la scène politique. Pour fréquenter un bon nombre de Musulmans (comme de Juifs) depuis pas mal de temps, je suis en mesure de témoigner que nombreux furent les Arabes de France à lui en savoir gré, et je suppose que, là encore, Monsieur Normand y aura vu un signe de "marginalité", face à un Parti Socialiste que l'on n'a jamais entendu critiquer, ne serait-ce qu'un peu, la politique coloniale menée par Israël en Palestine, par exemple !

Mais le plus drôle du papier de notre politocrate du Monde, c'est ce verdict - que nous reproduisons dans son intégralité - affiché en exergue de son article, où l'auteur joue volontiers les oracles :

Se différencier du PS ne paie plus

Lors des primaires socialistes de 2006 et lors de la campagne présidentielle de l'année suivante, Ségolène Royal avait largement construit sa popularité en s'inscrivant en décalage par rapport au Parti socialiste. Il semble que cette prise de distance joue désormais à son détriment si l'on en croit le sondage BVA pour "La Matinale" de Canal+ publié vendredi 11 décembre.

Selon cette enquête (réalisée le 9 et 10 décembre, auprès d'un échantillon de 1020 personnes interrogées via Internet selon la méthode des quotas), une majorité de 62 % estime que Mme Royal devrait "soutenir les positions défendues par son parti" alors que 36 % considèrent, en revanche, qu'elle a raison d'"afficher son indépendance".

Par ailleurs, 74 % des personnes interrogées (66 %, chez les sympathisants de gauche) pensent que Mme Royal Royal constitue un "handicap" plutôt qu'un "atout" (26 %) pour la gauche. Enfin, interrogés sur la décision que devrait prendre l'ancienne candidate si elle devait quitter le PS, 35 % souhaitent qu'elle crée un nouveau parti et 45 % qu'elle cesse de faire de la politique (contre 39 % chez les sympathisants de gauche).

"Ségolène Royal avait suscité un immense espoir, et parfois une adhésion enthousiaste, mais le coeur n'y est plus", souligne Gaël Sliman, directeur du département opinion de BVA. Constatant que l'ex-candidate "est à présent largement distancée par les autres présidentiables", il pense que "sa seule chance de jouer les trublions dans des primaires socialistes serait que ses adversaires se divisent".

Fin du papier de Jean-Michel Normand.


Observons, en passant, que notre politocrate est réellement obnubilé par l'élection présidentielle de 2012, alors même que, pas une fois, l'élection à venir, à savoir le renouvellement des présidents des conseils régionaux, n'est évoquée, ce qui est, tout de même, incroyable !

Observons encore que Ségolène Royal semble être la seule personnalité politique dont l'avenir politique fasse l'objet de tant de spéculations, jusqu'à évoquer l'abandon de la vie politique, elle qui préside une région, quand d'autres doivent se contenter d'une mairie (ex. Martine Aubry) voire de quelques cantons (ex. François Hollande, Claude Bartolone), sans parler de ceux qui n'ont aucune circonscription hexagonale (ex. Vincent Peillon, Harlem Désir) voire se sont plantés aux dernières européennes (ex. Benoît Hamon) !

Questions : à propos de cette injonction : "Mme Royal devrait soutenir les positions soutenues par son parti", de quoi parle-t-on exactement ? De positions prises par le Parti après un vote régulier ? Monsieur Normand peut-il dresser une liste de "positions soutenues officiellement par le PS" et que Mme Royal n'aurait pas respectées ? La fraude commise lors du vote pour les motions fait-elle partie des positions soutenues par le parti ? L'opinion de tel ou tel apparatchik représente-t-elle une position soutenue par le parti ? Par exemple, en ce qui concerne les alliances avec le MoDem, l'alliance conclue par Martine Aubry, à Lille, vaut-elle "position soutenue par le Parti" ? Dans ce cas, comment Monsieur Normand va-t-il pouvoir nous expliquer que la même attitude, prônée en Poitou-Charentes, par Ségolène Royal, soit assimilée à une "marginalisation" ?

Autre chose : la soumission à une soi-disant "position soutenue par le parti" vaut-elle pour tous les socialistes ou uniquement pour Ségolène Royal ? On pense à la dissidence de Jean-Luc Mélenchon, élu sénateur sur une liste socialiste, et qui s'en va faire liste commune avec les communistes. Cette désertion relève-t-elle d'une position soutenue par le PS ? Et que dire des missions de Jack Lang pour Nicolas Sarkozy, à Cuba puis en Corée du Nord : faut-il comprendre, là encore, que le Parti socialiste avait, préalablement, donné son accord ? Tout comme il avait forcément donné son accord à l'entrée de Bernard Kouchner au gouvernement, de même qu'il avait autorisé Michel Rocard à codiriger une commision sur le grand emprunt... Autant dire que la fameuse formule : "Strauss-Kahn, à Washington, Kouchner, avec nous, Jack Lang, avec moi !", récemment entendue dans la bouche de son DRH, a été lue et approuvée par le PS !

Parlons du "handicap" que représenterait, pour le PS, celle qui, en 2004, a arraché la région Poitou-Charentes aux protégés de Jean-Pierre Raffarin. Celle-là serait plus "handicapante" pour le parti, que tous ceux, nombreux, à l'instar de Martine Aubry, Vincent Peillon..., qui ont fait cadeau de leur circonscription à la droite ? Parce qu'il faut bien supposer que Jean-Michel Normand est logique !

Voilà, donc, que Jean-Michel Normand, à la suite de BVA, s'inquiète de l'avenir de Ségolène Royal, et ce, à l'exclusion de l'avenir de tout autre responsable politique français ! La sagesse populaire ne dit-elle pas qu'on ne prête qu'aux riches ?

Précisément, à propos de "richesse", notamment en matière de notoriété, il semble que monsieur Normand soit un commentateur hémiplégique, ne disposant que d'une moitié de cerveau, de manière à ne voir les choses que sous l'aspect qui l'arrange. Parce que son papier, paru le 12 décembre, a été précédé d'un certain nombre de sondages, dont un sondage LH2 pour France Bleu, que notre politocrate a délibérément zappé :


Il ressort, donc, d'un autre sondage que celui évoqué par J.-M. Normand, qu'en termes de notoriété, Ségolène Royal arrive loin devant tous ses collègues présidents de conseil régional. Et c'est précisément en cela que l'on reconnaît les politocrates : dans leur incapacité à analyser scientifiquement les choses, se contentant, la plupart du temps, à se réfugier derrières truismes et lieux communs !

La France est un pays riche en politocrates, lesquels se font régulièrement passer pour les analystes politiques qu'ils ne sont pas, faute de rigueur scientifique. Ainsi ce pauvre Jean-Michel Normand, qui prend ses lecteurs pour des imbéciles, pour les croire incapables d'aller puiser d'autres informations que l'eau tiède qu'il leur sert à longueur de colonnes.

A l'image de ses collègues politocrates, on voit bien que J.-M. Normand n'est qu'un vulgaire commentateur de sondages : on croit qu'il analyse une situation, en fait, il se contente de paraphraser les chiffres tombés de BVA, CSA, Opinion Way... Parce que les politocrates ne sont que des girouettes, qui ne se hasardent à livrer un commentaire qu'après avoir humé d'où vient le vent des sondages. Et en ce moment, il semble que les sondages (pour 2012, vous aviez compris, parce qu'en dehors de la présidentielle, pas de vie publique qui vaille !) donnent Ségolène Royal devancée par..., par qui déjà ? Elle est la seule "présidentiable" à présider une région, soit autour d'un vingt-cinquième de la France, ce qui fait du Poitou-Charentes un excellent laboratoire. Mais précisément, malhonnêteté intellectuelle oblige, Jean-Michel Normand et ses compères politocrates semblent se désintéresser complètement de ce qui va se passer dans les régions, notamment en Poitou-Charentes, ce qui les dispense de répondre à cette question lancinante : mais alors, puisque Ségolène Royal est à ce point affaiblie, comment expliquer que les ténors de l'UMP se dégonflent l'un après l'autre (pourquoi Dominique Bussereau, pour affronter Ségolène Royal, et non pas Frédéric Lefebvre, lequel, normalement, ne devrait avoir aucun mal à terrasser la Bécassine du Poitou, à moins que Monsieur Lefebvre ne soit qu'un trouillard !), à la perspective de ramener le Poitou-Charentes à la droite ? La victoire de l'UMP devrait être courue d'avance, non ? À moins que les politocrates ne nous prennent vraiment pour des imbéciles, ce qui explique qu'ils zappent systématiquement cet important rendez-vous électoral.

Pour en finir avec monsieur Jean-Michel Normand, qui en est encore à faire du journalisme à la mode de Grand-Papa, ce monsieur et ceux de sa corporation devraient savoir qu'aujourd'hui, sur Internet, quelques clics de souris suffisent pour s'offrir des centaines, milliers, millions de pages d'opinions diverses sur une question, et le fait, pour les représentants d'une certaine presse écrite, d'en être encore à sélectionner des sondages, pour leur faire dire ce que l'on aimerait bien qu'ils disent, relève d'une conception tellement archaïque du journalisme qu'il ne faut pas s'étonner que les lecteurs férus d'information non biaisée, comme les couches les plus instruites ainsi que les jeunes générations finissent par se détourner de cette presse-là !



À bon entendeur !


Post-scriptum :

Obnubilé par la "cousine un peu marginale de la famille", notre politocrate du Monde en a oublié - mais les politocrates sont volontiers amnésiques, non ? - ces temps, pas si anciens, où le Parti socialiste était taxé d'"inaudibilité" et de manque de pugnacité face à la droite : "mais où donc est passée la Gauche et que fait le PS ?", entendait-on clamer partout. Le PS ? Celui de François Hollande, d'abord, puis de Martine Aubry, ensuite. Au point qu'on nous a expliqué, à longueur de colonnes et moyennant moult enquêtes d'opinion, qu'Olivier Besancenot serait devenu le premier des opposants à Nicolas Sarkozy.

Et voilà que d'autres politocrates nous disent, sondages à l'appui, que Ségolène Royal devrait se couler dans le moule PS, en clair, qu'elle devrait, elle aussi, participer à l''inaudibilité" du Parti ; est-ce bien cela que J.-M. Normand tente de démontrer ?

Parce que, des interventions tonitruantes, contre le pouvoir sarkozyste, Ségolène Royal s'est fait une spécialité. Souvenons-nous de ce passage au JT de 20 heures sur France 2, face à David Pujadas. Nous sommes à quelques jours du second tour des législatives de 2007. France 2 vient de consacrer un long reportage au régional de l'étape, Alain Juppé, sans qu'à aucun moment son adversaire socialiste ne soit citée, lorsqu'intervient, en direct, l'interview de Ségolène Royal, qui ne va faire qu'une bouchée de l'infortuné Pujadas. Mme Royal commence par tacler la partialité du reportage, qu'elle juge un peu trop favorable au maire de Bordeaux ; la suite est tout simplement gratinée :

- Elle s'appelle Michèle Delaunay, Mi-Chè-le De-lau-nay, tonne-t-elle, annonçant dans la foulée son prochain passage à Bordeaux pour soutenir sa consoeur socialiste. Un grand moment de télévision. On connaît la suite : Alain Juppé battu dans la "circonscription du maire", au point d'avoir dû abandonner son poste de N° 2 du gouvernement Fillon I.

J'encourage vivement Jean-Michel Normand à interroger Alain Juppé et d'autres (ex. les ex-maires de Strasbourg ou Toulouse, dont les concurrents PS ont reçu la visite de Ségolène Royal), sur le "handicap" que cette dernière ferait peser sur le Parti socialiste, notamment lors des campagnes électorales.

Ceux qui ont un peu de mémoire se souviendront aussi de cette autre interview télévisée, toujours sur France 2, un dimanche, face à Vincent Delahousse et au - en temps normal - très volubile Bruno Solo, lequel, ce jour-là, donnait l'impression d'avoir avalé sa langue ! Ségolène Royal va consacrer un long passage aux fausses promesses de Sarkozy à propos du site industriel de Gandrange (lequel ne se trouve pas en Poitou-Charentes.). J'en connais qui ont été impressionnés, notamment par ce passage, où Mme Royal évoquait le coeur du site sidérurgique, le four :

- Les ouvriers l'appellent "la cathédrale".

Même Bruno Solo en est resté bouche bée.

Et puis il y a eu, il n'y a pas si longtemps, cette réunion des politiciens en barboteuse du PS, quelque part dans le sud de la France, ceux qui s'appellent les "quadras", pour parler des primaires et se regarder le nombril. Et c'est là qu'intervient une déclaration apparemment anodine, de Ségolène Royal, le genre de chose auquel les chaînes nationales de radio et télévision accordent royalement deux minutes et des poussières. Il y était question de la taxe carbone. Et allez comprendre pourquoi, quelques jours plus tard, le landerneau politique ne se préoccupait plus que d'une chose : de la taxe carbone vilipendée par Ségolène Royal, ce qui a eu pour effet de déstabiliser jusqu'aux écologistes eux-mêmes, plus que gênés aux entournures, d'autant plus que les premiers sondages n'ont pas tardé à insinuer que la majorité des personnes interrogées étaient défavorables à ladite taxe.

J'encourage vivement Jean-Michel Normand et les politocrates de sa corporation à demander à Messieurs Fillon, Borlo et consorts de l'UMP qui, de Ségolène Royal, Cohn-Bendit, Duflot ou Martine Aubry a infligé les plus grosses secousses au gouvernement en matière de taxe carbone !

Mon petit doigt me dit deux choses :
1) que les principaux responsables de droite ont dû faire "ouf" en apprenant que Ségolène Royal ne serait pas la première secrétaire du PS ;
2) qu'à l'approche des élections régionales, les ténors de l'UMP redoutent par-dessus tout une chose : que Ségolène Royal soit - de facto - intronisée par ses pairs, présidents (PS) de région sortants, en qualité de chef d'Etat-major, histoire de booster la campagne, car, avec une telle cheftaine à leur tête, je vois au moins une région de plus, probablement l'Alsace, tomber à gauche.