Ou quand le Front National nous la joue façon nord-coréenne !
Je commencerai par préciser, tout de go, que je ne suis pas un sympathisant du Front National, et encore moins d’extrême droite. Du reste, je ne vote pas en France ; ça me permet d’être parfaitement objectif en matière de politique française.
Par les temps qui courent, il est de bon ton de montrer de la commisération, voire du dédain à l’égard des dérives dynastiques survenant dans telle ou telle dictature ou démocrature du Tiers Monde. C’est par exemple le cas de la Corée du Nord, où l’on va se retrouver bientôt avec, au pouvoir, le petit-fils du "plus grand génie de tous les temps", je veux parler de feu Kim Il Sung (1912-1994).
À Cuba, Fidel Castro, malade, a dû passer le témoin à son frère cadet, Raúl. Et, là encore, le monde entier ne put que se gausser, en constatant la dérive familiale qui s’abattait sur l’Ile révolutionnaire. C'est, par exemple, l'exilé cubain, Jacobo Machover, qui s'inquiétait (août 2006) de la tournure des événements dans son pays et appelait la communauté internationale à ne pas reconnaître cette "succession dynastique", tout en estimant que Castro était déjà mort politiquement.
Mais il n’y a pas que les Castro et les Kim ; dans l’ex-Zaïre, Kabila a succédé à Kabila ; au Togo, Eyadema a succédé à Eyadema, au Gabon, Bongo a succédé à Bongo ; au Sénégal, on sent bien qu’Abdoulaye Wade meurt d’envie de voir son fils lui succéder un jour ; en Egypte, un fils Moubarak se profile déjà à l'horizon ; en Lybie, plusieurs fils Kaddafi seraient sur les rangs..., n’en jetez plus !
Et tout le monde de se gausser devant ces pays infantilisés par la médiocrité et la flagornerie, qui font que personne n’ose se dresser devant les oukases d'une oligarchie mise au service d'une famille.
Et voilà qu’en France, un parti politique s’apprête à nous la jouer à la sauce zaïroise, nord-coréenne, gabonaise… !
En voyant Jean-Marie Le Pen adouber publiquement sa fille, sans égards pour Bruno Gollnisch, l’autre candidat à la présidence du FN, tout le monde a compris que le vieux chef avait choisi de tomber le masque, sans vergogne ! Mais bon, ne nous voilons pas la face : tout le monde avait compris que le coup se préparait depuis longtemps.
Détail intéressant : la grande presse semble avoir choisi son camp, puisqu’on s’est mis à recevoir Marine Le Pen partout : radios, télévisions, presse écrite, le tout, au détriment de l’infortuné Gollnisch. À vue de nez, ça doit nous faire du dix contre un (dix passages de Marine Le Pen dans les grands médias, contre un seul pour Gollnisch).
Sur le site du Front National du Loir et Cher, on se réjouit ouvertement de voir Marine Le Pen honorée de la Une d’un grand magazine.
Je commencerai par préciser, tout de go, que je ne suis pas un sympathisant du Front National, et encore moins d’extrême droite. Du reste, je ne vote pas en France ; ça me permet d’être parfaitement objectif en matière de politique française.
Par les temps qui courent, il est de bon ton de montrer de la commisération, voire du dédain à l’égard des dérives dynastiques survenant dans telle ou telle dictature ou démocrature du Tiers Monde. C’est par exemple le cas de la Corée du Nord, où l’on va se retrouver bientôt avec, au pouvoir, le petit-fils du "plus grand génie de tous les temps", je veux parler de feu Kim Il Sung (1912-1994).
À Cuba, Fidel Castro, malade, a dû passer le témoin à son frère cadet, Raúl. Et, là encore, le monde entier ne put que se gausser, en constatant la dérive familiale qui s’abattait sur l’Ile révolutionnaire. C'est, par exemple, l'exilé cubain, Jacobo Machover, qui s'inquiétait (août 2006) de la tournure des événements dans son pays et appelait la communauté internationale à ne pas reconnaître cette "succession dynastique", tout en estimant que Castro était déjà mort politiquement.
Mais il n’y a pas que les Castro et les Kim ; dans l’ex-Zaïre, Kabila a succédé à Kabila ; au Togo, Eyadema a succédé à Eyadema, au Gabon, Bongo a succédé à Bongo ; au Sénégal, on sent bien qu’Abdoulaye Wade meurt d’envie de voir son fils lui succéder un jour ; en Egypte, un fils Moubarak se profile déjà à l'horizon ; en Lybie, plusieurs fils Kaddafi seraient sur les rangs..., n’en jetez plus !
Et tout le monde de se gausser devant ces pays infantilisés par la médiocrité et la flagornerie, qui font que personne n’ose se dresser devant les oukases d'une oligarchie mise au service d'une famille.
Et voilà qu’en France, un parti politique s’apprête à nous la jouer à la sauce zaïroise, nord-coréenne, gabonaise… !
En voyant Jean-Marie Le Pen adouber publiquement sa fille, sans égards pour Bruno Gollnisch, l’autre candidat à la présidence du FN, tout le monde a compris que le vieux chef avait choisi de tomber le masque, sans vergogne ! Mais bon, ne nous voilons pas la face : tout le monde avait compris que le coup se préparait depuis longtemps.
Détail intéressant : la grande presse semble avoir choisi son camp, puisqu’on s’est mis à recevoir Marine Le Pen partout : radios, télévisions, presse écrite, le tout, au détriment de l’infortuné Gollnisch. À vue de nez, ça doit nous faire du dix contre un (dix passages de Marine Le Pen dans les grands médias, contre un seul pour Gollnisch).
Sur le site du Front National du Loir et Cher, on se réjouit ouvertement de voir Marine Le Pen honorée de la Une d’un grand magazine.
"Nous n'avons pas encore pris connaissance de la teneur de l'important dossier que consacre à Marine Le Pen le magazine “Le Point” daté du 29 avril (2010). Vous en trouverez prochainement une analyse sur nos différents sites internet. Mais il faut y voir un signe de la progression du Front National dans l'opinion, comme le confirment les derniers sondages… pour la présidentielle 2012 !"
Il est vrai que la couverture du magazine ne manquait pas d’air : mais, visiblement, le photographe n’a pas réussi à faire dire « cheese » à la dame du FN, qui nous la joue façon Joconde !
« Un signe de la progression du Front National dans l’opinion... pour la présidentielle 2012 », non mais sans blague ! Parce que ces militants du FN s’imaginent que la fille Le Pen roule pour autre chose que pour elle-même et que la présidentielle 2012 servira en quoi que ce soit les intérêts du Front National ?
J’entends d’ici les meilleurs observateurs nous expliquer qu’avec Marine Le Pen à sa tête, le Front National va connaître un nouvel essor, car cette femme va, à coup sûr, replacer son parti au sein du concert des formations politiques françaises - à l'instar de ce qu'a réussi la Ligue du Nord en Italie ou que va probablement obtenir l'extrême-droite néerlandaise, mais là, nous sommes dans des systèmes parlementaires, avec formation obligatoire d'une coalition pour parvenir au pouvoir -, mettant fin à l'ostracisme dans lequel le père avait enfermé son mouvement. Et la presse de se faire toute mielleuse pour la vice-présidente du FN, d'ores et déjà installée dans le fauteuil de son père. On a eu Marine sur la Cinquième, Marine sur Canal Plus, Marine sur TF1, Marine sur RTL, Marine à la Une du Point, Marine sur Europe 1… Autant dire que, pour tout le monde, elle a déjà gagné. C’est simple : tous les experts vous expliquent déjà combien Marine Le Pen risque de causer des problèmes à Sarkozy en 2012, comment Marine Le Pen est en train d’affiner sa stratégie pour 2012 et après 2012. Puisqu'on vous dit que c'est (déjà) fait !
Et Gollnisch ? Gollnisch ! Quel Gollnisch ? Balayé Gollnisch, aux oubliettes Gollnisch !
Et moi de penser : ce pauvre Bruno Gollnisch !
Ben oui, quoi, il a forcément moins de charisme que sa concurrente, et il fait tellement plus tristounet, et ça, c’est pas bon pour le FN ! Donc, on le traite forcément moins bien que l’autre. Jugez-en plutôt : 6 octobre 2010, sur France Inter, il est 8h40 ; Patrick C., l’animateur de la tranche matinale, reprend la parole, après la revue de presse de 8h30, et annonce ceci : « Place aux auditeurs. Jean-Luc nous appelle de Bayeux. Bonjour Jean-Luc. » Suivent une vingtaine de minutes de dialogue entre l’invité du jour et les auditeurs de France Inter.
Pourquoi ai-je choisi de citer cet extrait ici ? Tout simplement parce que, quelques semaines plus tôt, le 26 août 2010, l’invité du jour s’appelait Bruno Gollnisch, interrogé par Bruno D. et Thomas L. Je dois dire que j’ai été assez étonné de la manière dont les choses se sont passées. C'est pour ça que j'ai pris des notes.
C’est ainsi que, juste après la revue de presse, la parole a été donnée à un journaliste italien qui est intervenu assez longuement sur un sujet n’ayant aucun rapport avec le Front National, ce qui a amputé l’intervention de Gollnisch de plus de cinq minutes. Puis est venu le temps normalement dévolu aux questions des auditeurs, mais là, ce sont les deux animateurs du jour qui vont monopoliser la parole (il n’y aura en tout et pour tout que trois intervenants extérieurs au lieu de la demi-douzaine habituelle.).
Extraits (les interventions qui suivent émanent des deux journalistes de France Inter et consistent en des interruptions assez brutales du discours de l’invité.) :
J’entends d’ici les meilleurs observateurs nous expliquer qu’avec Marine Le Pen à sa tête, le Front National va connaître un nouvel essor, car cette femme va, à coup sûr, replacer son parti au sein du concert des formations politiques françaises - à l'instar de ce qu'a réussi la Ligue du Nord en Italie ou que va probablement obtenir l'extrême-droite néerlandaise, mais là, nous sommes dans des systèmes parlementaires, avec formation obligatoire d'une coalition pour parvenir au pouvoir -, mettant fin à l'ostracisme dans lequel le père avait enfermé son mouvement. Et la presse de se faire toute mielleuse pour la vice-présidente du FN, d'ores et déjà installée dans le fauteuil de son père. On a eu Marine sur la Cinquième, Marine sur Canal Plus, Marine sur TF1, Marine sur RTL, Marine à la Une du Point, Marine sur Europe 1… Autant dire que, pour tout le monde, elle a déjà gagné. C’est simple : tous les experts vous expliquent déjà combien Marine Le Pen risque de causer des problèmes à Sarkozy en 2012, comment Marine Le Pen est en train d’affiner sa stratégie pour 2012 et après 2012. Puisqu'on vous dit que c'est (déjà) fait !
Et Gollnisch ? Gollnisch ! Quel Gollnisch ? Balayé Gollnisch, aux oubliettes Gollnisch !
Et moi de penser : ce pauvre Bruno Gollnisch !
Ben oui, quoi, il a forcément moins de charisme que sa concurrente, et il fait tellement plus tristounet, et ça, c’est pas bon pour le FN ! Donc, on le traite forcément moins bien que l’autre. Jugez-en plutôt : 6 octobre 2010, sur France Inter, il est 8h40 ; Patrick C., l’animateur de la tranche matinale, reprend la parole, après la revue de presse de 8h30, et annonce ceci : « Place aux auditeurs. Jean-Luc nous appelle de Bayeux. Bonjour Jean-Luc. » Suivent une vingtaine de minutes de dialogue entre l’invité du jour et les auditeurs de France Inter.
Pourquoi ai-je choisi de citer cet extrait ici ? Tout simplement parce que, quelques semaines plus tôt, le 26 août 2010, l’invité du jour s’appelait Bruno Gollnisch, interrogé par Bruno D. et Thomas L. Je dois dire que j’ai été assez étonné de la manière dont les choses se sont passées. C'est pour ça que j'ai pris des notes.
C’est ainsi que, juste après la revue de presse, la parole a été donnée à un journaliste italien qui est intervenu assez longuement sur un sujet n’ayant aucun rapport avec le Front National, ce qui a amputé l’intervention de Gollnisch de plus de cinq minutes. Puis est venu le temps normalement dévolu aux questions des auditeurs, mais là, ce sont les deux animateurs du jour qui vont monopoliser la parole (il n’y aura en tout et pour tout que trois intervenants extérieurs au lieu de la demi-douzaine habituelle.).
Extraits (les interventions qui suivent émanent des deux journalistes de France Inter et consistent en des interruptions assez brutales du discours de l’invité.) :
- Vous nous parlez toujours d’hier. Parlez-nous de la politique d’aujourd’hui ! Que nous répondez-vous sur les retraites, Bruno Gollnisch ?
(…)
- Dès qu’on va sur le détail précis, il n’y a pas de réponse !
(…)
(À une question concernant les rapports Le Pen père-Le Pen fille, et à laquelle Gollnisch refuse de répondre, invitant ses interlocuteurs à s’adresser aux personnes concernées) … - Puisqu’on vous a en face de nous, on vous demande à vous !
- J’aimerais qu’on retourne au standard pour avancer. On vous a entendu ! On vous a entendu !
Je précise que, ce matin-là, l’interview fut du type haché-menu, puisqu’à chacune de ses interventions, Bruno Gollnisch était brutalement interrompu par l’un de ses intervieweurs en studio, sans jamais pouvoir rien développer en plus de trente secondes !
Maintenant, j’invite les chers auditeurs à surveiller les futurs passages de Marine Le Pen dans la matinale de France Inter, et à comparer ; peut-être sera-t-on aussi cassant avec elle… Pour tout vous dire, j’ai eu un peu de peine pour Gollnisch, que d’aucuns voient déjà battu dans sa course à la présidence du FN, d’où ce style méprisant et condescendant qui lui est opposé un peu partout !?
Et c’est là que je me dis que si j’étais un militant du FN, je voterais volontiers pour Bruno Gollnisch. On me dira qu’il est plus terne que la fille Le Pen, moins charismatique, etc., etc. Et là, je réponds : "formidable, ça tombe bien : c’est précisément pour ces raisons mêmes que j’estime qu’il est l’homme de la situation !"
Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’un bon chef, quelqu’un qui sert son mouvement pour en faire un grand parti, ou qui s’en sert pour sa gloriole personnelle ?
Je pense qu'indépendamment de son idéologie extrémiste et franchement ringarde, Jean-Marie Le Pen a été un bien médiocre chef du Front National, parce qu’en un demi-siècle, il n’a fait avancer en rien les positions du parti. Bien sûr, il a gagné en notoriété, se hissant au niveau des « grands » responsables politiques que l’on invite partout. Il faut dire que, pour les journalistes, c’est ce qu’on appelle « un bon client ». Et son heure de gloire, il allait la connaître en avril 2002, avec cette accession miraculeuse au second tour de la présidentielle.
Oui, et puis après ? Depuis cinquante ans, voire plus, que Le Pen nous fait son numéro, qu’est-ce que le Front National a eu à y gagner ? Entre nous, rien !
Où sont les députés du FN, les sénateurs, les maires ? Pendant que Le Pen pavoise, le FN grimace, voire se décompose, si je pense à toutes les défections et dissidences. En Italie, Humberto Bossi peut se targuer d'avoir bien travaillé, lui ! Et je ne vois pas les dissidents du FN, qui en ont eu assez du caudillo breton, revenir faire les yeux doux à sa fille. Et comme un bon symbole de la déconfiture du caudillo de Saint-Cloud, voilà le parti mis sur la paille et contraint de quitter son "Paquebot" et de déménager sans gloire dans un réduit du côté de Nanterre !
Pourquoi Gollnisch vaut-il mieux que Marine Le Pen ? Tout simplement parce que moins flamboyant, moins charismatique peut-être, moins hâbleur aussi, il fera moins d’ombre au parti. Et tout d’abord, lui au moins pourrait réunifier le FN, en faisant revenir à la maison les brebis égarées que sont les Mégret et autres Carl Lang. Par ailleurs, Gollnisch est un personnage tout en nuances, contrairement à d'autres : c'est un universitaire, pas un bateleur de foire. Un universitaire, c'est-à-dire formé à l'école de la nuance et de la relativité dans l'appréciation des cultures, aptitude forcément confortée par sa "nippophilie", lui qui vit avec une Japonaise et est, donc, un peu plus riche culturellement parlant que s'il avait été simplement franco-français.
Et puis, moins flamboyant peut-être, Gollnisch éclipsera beaucoup moins son parti que Le Pen n’a été tenté de le faire, parce que le FN ne peut que pâtir de l’omniprésence d'un chef envahissant, tout comme l'UMP pâtit en ce moment de l'omnipotence de l'autre monarque...
De toute façon, le plus important pour un parti n’est pas d’avoir un(e) président(e) qui va faire 20, voire 25 % au premier tour d’une présidentielle, si c’est pour se retrouver avec zéro député, zéro sénateur, zéro maire… Il vaudrait mieux, mille fois mieux, un président moins envahissant, mais avec, enfin, des élus au parlement et à la tête de municipalités, de départements, de régions, ce qui passe par une refonte totale du logiciel du FN, de manière à le rendre soluble dans la démocratie, en lui permettant de nouer les alliances sans lesquelles on reste un mouvement de parias.
Parce que, ce qu’on voit bien, c’est que la flamboyance du clan Le Pen n’a servi qu’une chose : la propre gloriole du chef, et peut-être bientôt de la fille, sans qu’à aucun moment le parti n’en profite véritablement, d'où les défections, d'ailleurs. Et les militants du FN seraient-ils assez stupides pour en reprendre pour cinquante ans ?
Et après une cinquantaine d’années à se farcir le numéro de premier violon solo de Marine Le Pen, faudra-t-il ensuite se farcir la petite fille, puis l’arrière-petite-fille Le Pen ?
Mais après tout, les militants du FN font ce qu’ils veulent ; je m’en fous royalement. Tout ce que j’en dis c’est que, si j’en étais, je ferais tout pour mettre en échec l’OPA de la famille Le Pen sur le parti.
C’était bien la peine de vilipender les dérives dynastiques en Afrique, en Corée du Nord ou à Cuba, pour venir maintenant se livrer à la même singerie, en France !
Maintenant, j’invite les chers auditeurs à surveiller les futurs passages de Marine Le Pen dans la matinale de France Inter, et à comparer ; peut-être sera-t-on aussi cassant avec elle… Pour tout vous dire, j’ai eu un peu de peine pour Gollnisch, que d’aucuns voient déjà battu dans sa course à la présidence du FN, d’où ce style méprisant et condescendant qui lui est opposé un peu partout !?
Et c’est là que je me dis que si j’étais un militant du FN, je voterais volontiers pour Bruno Gollnisch. On me dira qu’il est plus terne que la fille Le Pen, moins charismatique, etc., etc. Et là, je réponds : "formidable, ça tombe bien : c’est précisément pour ces raisons mêmes que j’estime qu’il est l’homme de la situation !"
Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’un bon chef, quelqu’un qui sert son mouvement pour en faire un grand parti, ou qui s’en sert pour sa gloriole personnelle ?
Je pense qu'indépendamment de son idéologie extrémiste et franchement ringarde, Jean-Marie Le Pen a été un bien médiocre chef du Front National, parce qu’en un demi-siècle, il n’a fait avancer en rien les positions du parti. Bien sûr, il a gagné en notoriété, se hissant au niveau des « grands » responsables politiques que l’on invite partout. Il faut dire que, pour les journalistes, c’est ce qu’on appelle « un bon client ». Et son heure de gloire, il allait la connaître en avril 2002, avec cette accession miraculeuse au second tour de la présidentielle.
Oui, et puis après ? Depuis cinquante ans, voire plus, que Le Pen nous fait son numéro, qu’est-ce que le Front National a eu à y gagner ? Entre nous, rien !
Où sont les députés du FN, les sénateurs, les maires ? Pendant que Le Pen pavoise, le FN grimace, voire se décompose, si je pense à toutes les défections et dissidences. En Italie, Humberto Bossi peut se targuer d'avoir bien travaillé, lui ! Et je ne vois pas les dissidents du FN, qui en ont eu assez du caudillo breton, revenir faire les yeux doux à sa fille. Et comme un bon symbole de la déconfiture du caudillo de Saint-Cloud, voilà le parti mis sur la paille et contraint de quitter son "Paquebot" et de déménager sans gloire dans un réduit du côté de Nanterre !
Pourquoi Gollnisch vaut-il mieux que Marine Le Pen ? Tout simplement parce que moins flamboyant, moins charismatique peut-être, moins hâbleur aussi, il fera moins d’ombre au parti. Et tout d’abord, lui au moins pourrait réunifier le FN, en faisant revenir à la maison les brebis égarées que sont les Mégret et autres Carl Lang. Par ailleurs, Gollnisch est un personnage tout en nuances, contrairement à d'autres : c'est un universitaire, pas un bateleur de foire. Un universitaire, c'est-à-dire formé à l'école de la nuance et de la relativité dans l'appréciation des cultures, aptitude forcément confortée par sa "nippophilie", lui qui vit avec une Japonaise et est, donc, un peu plus riche culturellement parlant que s'il avait été simplement franco-français.
Et puis, moins flamboyant peut-être, Gollnisch éclipsera beaucoup moins son parti que Le Pen n’a été tenté de le faire, parce que le FN ne peut que pâtir de l’omniprésence d'un chef envahissant, tout comme l'UMP pâtit en ce moment de l'omnipotence de l'autre monarque...
De toute façon, le plus important pour un parti n’est pas d’avoir un(e) président(e) qui va faire 20, voire 25 % au premier tour d’une présidentielle, si c’est pour se retrouver avec zéro député, zéro sénateur, zéro maire… Il vaudrait mieux, mille fois mieux, un président moins envahissant, mais avec, enfin, des élus au parlement et à la tête de municipalités, de départements, de régions, ce qui passe par une refonte totale du logiciel du FN, de manière à le rendre soluble dans la démocratie, en lui permettant de nouer les alliances sans lesquelles on reste un mouvement de parias.
Parce que, ce qu’on voit bien, c’est que la flamboyance du clan Le Pen n’a servi qu’une chose : la propre gloriole du chef, et peut-être bientôt de la fille, sans qu’à aucun moment le parti n’en profite véritablement, d'où les défections, d'ailleurs. Et les militants du FN seraient-ils assez stupides pour en reprendre pour cinquante ans ?
Et après une cinquantaine d’années à se farcir le numéro de premier violon solo de Marine Le Pen, faudra-t-il ensuite se farcir la petite fille, puis l’arrière-petite-fille Le Pen ?
Mais après tout, les militants du FN font ce qu’ils veulent ; je m’en fous royalement. Tout ce que j’en dis c’est que, si j’en étais, je ferais tout pour mettre en échec l’OPA de la famille Le Pen sur le parti.
C’était bien la peine de vilipender les dérives dynastiques en Afrique, en Corée du Nord ou à Cuba, pour venir maintenant se livrer à la même singerie, en France !