mercredi 13 octobre 2010

Le Pen : jamais sans ma fille ! (Episode 2)



Le précédent épisode de ce 'post', concernant la succession dynastique annoncée à la tête du FN, et datant du 6 octobre 2010, a dû en surprendre plus d’un(e), parmi les visiteurs de ce blog. Il faut dire que, pour presque tout le monde, les carottes étaient bel et bien cuites : Marine Le Pen avait déjà gagné !


C’est dire ma surprise, en parcourant les pages du Monde daté du 12 octobre 2010…



 
Extrait : La tension est montée d’un cran dans la campagne interne du Front national, qui oppose Marine Le Pen et Bruno Gollnisch, pour la succession de Jean-Marie Le Pen à la tête du parti. (…) En cause : le retour des « dissidents », c’est-à-dire ceux qui sont partis du FN dans le sillage de Carl Lang, ancien n° 3 du Front, comme Jean-Claude Martinez ou encore Bernard Antony. Tous étaient opposés à l’influence grandissante de Marine Le Pen à la tête du parti. Aujourd’hui, ils ne cachent pas leur préférence pour Bruno Gollnisch…
(…) La polémique a rebondi vendredi 8 octobre à la télévision. Lors d’une émission sur LCI, Bruno Gollnisch a affirmé qu’il souhaitait que MM. Antony, Martinez et Lang reviennent au FN…

Fin de citation

Vous savez quoi ? J’ai la faiblesse de croire que Bruno Gollnisch est bien renseigné et secondé et qu’il fait partie des braves gens qui jettent régulièrement un coup d’œil sur ma petite prose. Grand bien lui fasse ! Comme preuve que l’Internet est vraiment devenu une « agora », un lieu de débats tout à fait incontournable ! Cela dit, je m’empresse de rassurer tous mes amis : je n’ai pas l’intention de devenir le conseiller en communication de Bruno Gollnisch !

Bon, on redevient sérieux : en tout cas, si j’étais Marine Le Pen, je serais « sport », en félicitant mon adversaire d’un « bien joué ! »

Là où je rigole quand même un peu, c’est devant l’étrange arithmétique de Marine Le Pen, du genre : trois plus un égale deux. En clair, si les brebis égarées reviennent au FN, ce dernier ne sera pas plus fort mais s’en trouvera plus affaibli. Etrange, non ! Mais peut-être n’est-ce pas si étrange que ça, si le vrai projet du clan Le Pen était moins la bonne santé du parti que de garder la mainmise sur leur petit pré carré, sorte de secte recroquevillée autour d’un chef charismatique, au point de brandir la menace de la scission ! Du coup, plus nombreux ou moins nombreux, qu’importe, dès lors que Le Pen (fille), à l’image du père, n’aura autour d’elle que des larbins à sa dévotion !

La soudaine fébrilité affichée par Le Pen père et fille, à l’idée de voir le parti se renforcer par le retour des dissidents, a de quoi surprendre, en effet. Comment va-t-on nous expliquer que l’on prétend parvenir, un jour, au pouvoir, donc convaincre 50 pour cent des électeurs, plus un(e), sans commencer par rassembler son propre camp, sa propre famille politique ?

Et puis, au fond, où est le risque pour Marine Le Pen ? Elle caracole en tête de tous les sondages, ce qui devrait l’autoriser à s’interroger, façon Staline, dans le genre : « Lang, Martinez, Antony, combien de divisions ? » Parce que si Gollnisch pèse des clopinettes, comme on nous le laisse entendre, et que les dissidents autour de Carl Lang pèsent aussi des clopinettes, alors, clopinettes plus clopinettes, ça ne devrait pas peser bien lourd face à la pétillante Marine, non ? Alors, il est où le problème ? Elle va gagner, nous dit-on ; et puis, elle a le soutien de son père ; les carottes sont cuites, on vous dit !

Et dans la série "Marine superstar..."


En attendant, les effets de manche de Mme Le Pen, ça va un moment, parce qu’il me semble qu’elle a sauté une étape : le bilan. Je veux parler du bilan d’un  demi-siècle de J-M.L.P. à la tête du Front national, bilan dont elle est co-comptable, à partir du moment où le grand chef l’a publiquement adoubée. Et comme je crains les trous de mémoire, je me permets de me citer (6 octobre 2010) :

« Pendant que Le Pen pavoise, le FN grimace, voire se décompose, si je pense à toutes les défections et dissidences. En Italie, Humberto Bossi peut se targuer d'avoir bien travaillé, lui ! Et je ne vois pas les dissidents du FN, qui en ont eu assez du caudillo breton, revenir faire les yeux doux à sa fille. Et comme un bon symbole de la déconfiture du caudillo de Saint-Cloud, voilà le parti mis sur la paille et contraint de quitter son "Paquebot" et de déménager sans gloire dans un réduit du côté de Nanterre ! »

On comprend mieux, maintenant, la stratégie adoptée de longue date par Jean-Marie Le Pen, visant à couper toutes les têtes susceptibles de dépasser la sienne, en privant le FN de tous ses cadres, le tout dans une perspective népotiste en faveur de son propre clan. À titre de comparaison, prenez le mouvement Verts-Europe Ecologie, qui dispose d'une bonne dizaine de cadres parfaitement visibles et susceptibles d'intervenir dans les médias, aux côtés des Cohn Bendit, Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé, Noël Mamère, Dominique Voynet, Eva Joly maintenant, etc. Rien de tel au Front National, où ils ne sont que trois à être connus des médias, le tout après un demi-siècle de présidence Le Pen, un demi-siècle de désertification méthodique de la part de quelqu'un qui ne supporte pas la contradiction !

Et l’on mesure, quelque part, le talent et la maîtrise dont Bruno Gollnisch a dû faire preuve, pour ne pas disparaître ou se faire ostraciser comme les autres « félons » : les Martinez, Lang, Antony, Mégret. Question : et si ce type (Gollnisch), avait plus de talent, de « vista » et d’endurance que les médias et les politologues n’ont voulu l'admettre  jusqu’à maintenant ? Ces experts qui ont souvent eu tendance à oublier qu’une partie d’échecs ne s’apprécie qu’au tout dernier coup !

Entre nous, et pour rester sérieux : le problème n’est pas que Gollnisch lise ou non ma prose sur Internet ; le problème tient à la paresse intellectuelle des politologues et autres experts, qui ne travaillent pas assez et n’analysent rien, se contentant de sentir d’où vient le vent (des sondages), de manière à tous blablater la même chose, par conformisme !

C’est un de nos meilleurs experts en droit public, qui comparait le match Gollnisch-Marine Le Pen à une compétition entre un ULM et un Rafale, déclarant même : « L’affaire est terminée ! » (Olivier Duhamel, professeur de Sciences Politiques, Europe 1, Médiapolis, 25 septembre 2010).

Pour ma part, je n’accorde aucune importance aux sondages, dont il faut toujours rappeler qu'ils sont "redressés" de manière tout à fait subjective par des conseillers spéciaux. On sait que les sondages ont toujours minimisé le score à venir du Front National aux élections, notamment en 2002 ! Et maintenant, ils  vont tous dans le même sens pour marteler le déséquilibre entre Le Pen fille et Gollnisch, tout comme ils prétendent qu'un fonctionnaire international devenu absolument inaudible depuis qu'il officie au FMI, serait le meilleur socialiste pour s'opposer à Sarkozy !

C’est probablement par conformisme que nos politologues ne se donnent même plus la peine de se soumettre à la gymnastique intellectuelle de l’analyse, se contentant de paraphraser les dernières enquêtes d’opinion. On le voit bien au Parti socialiste en ce moment : de tous les prétendant(e)s éventuel(le)s, une seule a un vrai programme, déjà rôdé durant la présidentielle de 2007 : Ségolène Royal. Et pourtant, les "experts" s’évertuent, en paraphrasant les sondages, à nous bassiner que Royal n’aurait que peu de chance face à Martine Aubry, une Martine Aubry qui a « offert » son siège de député à l’UMP en 2002, et qui n’a pas osé aller le récupérer en 2007,
renonçant à toute participation aux législatives, après avoir essayé de s'implanter dans une circonscription facilement gagnable (ben voyons !), car détenue par un collègue socialiste ! Parce qu’à part récupérer des sièges sans effort, à l’instar du siège de maire de Lille gracieusement offert par Pierre Mauroy, je ne vois pas très bien ce que Martine Aubry a prouvé comme meneuse d'hommes, depuis qu’elle fait de la politique.

Ségolène Royal, elle, encore toute jeune conseillère au cabinet de Mitterrand, est allée arracher à la droite une circonscription réputée ingagnable par la gauche, affectation qu’elle a arrachée littéralement - au culot - à Mitterrand au cours d’une réunion publique ; puis elle a récidivé en arrachant à la droite la région Poitou-Charentes.

Alors, je veux bien que les sondages disent ci ou ça, franchement, je m’en fous royalement, sans jeu de mots. Et comme, apparemment, je ne suis pas un trop mauvais analyste, je vous affirme que l’expérience acquise par Ségolène Royal lors d’une campagne dont elle est peut-être sortie victorieuse, allez savoir… (cf. imaginez que la Mamie Zinzin des Guignols de Canal Plus raconte aux juges qu’elle a donné beaucoup d’argent pour la campagne de qui vous savez, et qu’il s’avère que les comptes de campagne de qui vous savez étaient bidonnés, que le Conseil Constitutionnel le constate, a posteriori…, et que Ségolène Royal soit déclarée victorieuse de la présidentielle de 2007, comme des athlètes se voient décerner une médaille d’or sur tapis vert, après la disqualification de celui ou celle qui avait, apparemment, gagné… Je ne vous raconte pas le tsunami politique que cela déclencherait !), que cette expérience, donc, devrait s’avérer décisive, outre le fait que les électrices et les électeurs ne voudront pas se faire avoir une nouvelle fois par un bonimenteur !

Un peu plus de complexité dans le discours, voilà quelque chose qui me manque terriblement dans l’univers politique – et que j’aurais tendance à trouver un peu plus chez Bruno Gollnisch que chez Marine Le Pen –, plutôt que les sempiternels poncifs entendus ça-et-là, sur les jeunes, les Beurs, l’Islam, les Roms, etc., même si je n’oublie pas que l’avocate Marine Le Pen a souvent défendu des sans-papiers africains (les mauvaises langues diront qu’elle était peut-être commise d’office !), mais peut-être ne souhaite-t-elle pas trop que la chose s’ébruite parmi les plus extrémistes de ses admirateurs !

Cette complexité, Jean-Marie Le Pen va s’en approcher un peu en 2007, mais peut-être n’était-ce que tactique, avec cette escapade  sur la dalle d’Argenteuil, pour prouver à tous qu’il n’était pas l’ennemi des gens de banlieue et qu’il s’y sentait plus à l’aise que son adversaire de l’UMP. Mais, pour son malheur, il sera devancé copieusement sur ce terrain par Ségolène Royal, mais surtout par François Bayrou (cf. le ralliement du judoka Djamel Bourras), qui doit beaucoup à la banlieue d’avoir atteint un score aussi mirifique que celui affiché en 2007 !

Il faut dire qu'en 2002, Le Pen avait quasiment touché le jackpot parce que pas mal de musulmans allaient voter pour lui, manifestant par là leur défiance envers le Jospin du voyage de Bir-Zeit. Et je puis affirmer – et pour ça, je n’ai que faire des sondages ! – que c’est à l'université de Bir-Zeit que Lionel Jospin a perdu la présidentielle de 2002.

Oui monsieur, oui madame : sa place au second tour, en 2002, Le Pen la doit essentiellement à la communauté arabo-musulmane de France et à une fatwa anti-Jospin. Et que les politologues et autres « experts » qui ne me croient pas commandent donc un sondage (a posteriori) !


Post scriptum : puisque nous en étions à évoquer les politologues et autres "experts", en voici un excellent spécimen : le directeur de la rédaction de l'Express. Et lorsqu'il évoque DSK comme plus populaire des présidentiables, vous croyez peut-être qu'il analyse la situation politique, alors qu'il se contente de surfer sur la ligne bleue des sondages, ce qu'il avoue, du reste, en donnant l'impression de faire la fine bouche : "DSK aurait tort, trompé par la nue des sondages, de se croire déjà sur l'Olympe ; il n'est que sur l'Aventin (1).", et tant pis pour le lecteur de base qui ne sait pas (tout le monde n'est pas passé par Normal Sup', n'est-ce pas ?) de quoi il retourne. Mais que le lecteur de base se rassure : la culture, c'est comme la confiture (2)...



(1) Question : le petit peuple va probablement se demander comment passe-t-on de l'Aventin (romain) à l'Olympe (grec) ? Et puis, quel rapport avec DSK, qui - et c'est le propos du papier ! - n'a encore annoncé aucune intention de se retirer sur quelque Aventin que ce soit !

(2) Il faut dire que Normal Sup', c'est tellement loin !



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