dimanche 1 août 2010

In memoriam L. J.



C'est ce qu'on pourrait appeler une nécrologie ante-mortem, à l'instar de celle consacrée à Claude Allègre !

Les deux amis de... combien déjà..., trente ans ?, auront disparu quasiment au même moment du paysage politique. C'est tout juste si l'on a aperçu Jospin au dernier festival de Cannes, où il est venu parler de lui-même et du mini-rôle qui lui a été confié dans un film, prenant soin de préciser qu'il s'agissait plutôt d'un retour vers le passé.

Comment ne pas lui donner raison ?

Le dernier coup d'éclat de Lionel Jospin a pris les formes d'un pamphlet intitulé "L'impasse", sous-entendu l'impasse dans laquelle se trouverait le Parti Socialiste pour avoir confié les clés de la candidature à la présidentielle à quelqu'un qui n'en était pas digne...





En clair, lui, avec (en 2002) une trentaine de points de moins que les 47 % de voix de Ségolène Royal au second tour de la présidentielle (2007), était forcément "plus nul que nulle". Forcément. C'est mathématique !

D'aucuns ont vu dans ce bouquin un réquisitoire implacable, alors qu'il ne s'agissait que d'une forme plus ou moins réussie de hara kiri !




De facto, que reste-t-il de ce Jospin, trois ans après 2007, alors même que la France et le monde ne s'arrêtent pas de se pincer tous les jours, devant le spectacle affligeant qui leur est offert par le caudillo élu en 2007 ainsi que par sa cour ?

Personnellement, c'est maintenant que j'aimerais l'entendre, le Lionel : parce que, trois ans, c'est un laps de temps suffisant pour prendre déjà un peu de recul et pour bien analyser une situation, au lieu de se précipiter, bêtement, stupidement, à l'instar d'un vulgaire larbin fabiusien (Claude Bartolone) ou strauss-kahnien (Christophe Cambadélis), auteurs eux-aussi de pamphlets destinés avant tout à torpiller quelqu'un de leur camp, dans ce qui ressemblait fort à de la diarrhée verbale (il faut que ça sorte, vite fait, mal fait !).

Je ne suis pas en train de dire que Jospin, Bartolone et Cambadélis n'aient pas le droit de critiquer Ségolène Royal ; je ne m'en prive pas moi-même, ici. À ceci près que je ne suis inféodé à aucune officine occulte du Parti Socialiste et que je ne ressens aucune animosité de principe à l'égard de quiconque au sein de ce parti ni d'aucun parti, d'ailleurs.

Ça s'appelle de 'l"OBJECTIVITÉ". Et ça repose sur un minimum d'honnêteté intellectuelle.

Quand j'émets des critiques à l'égard de Ségolène Royal, je ne prétends pas, comme Jospin l'a fait, la stigmatiser de je ne sais quelle tare qui la rendrait structurellement incapable de postuler au statut de présidente de la République. Je me contente simplement de la mettre (Royal) en face de ses propres déclarations et prises de position antérieures. Il se trouve qu'elle a énormément innové sur le plan de la pratique politique, notamment avec les débats participatifs, et j'estime légitime de m'étonner que tout cela soit, apparemment, déjà oublié, au vu de ses revirements à l'égard de gens qu'elle-même passait au vitriol il n'y a pas si longtemps, je pense aux lendemains du vote au premier secrétariat du P.S. !

J'attends, donc, de ceux qui ont fait mine de se réjouir de la défaite de leur propre camp, en 2007, qu'ils assument leurs choix d'alors : entre autres, le fait que si, selon eux, la canditate était mauvaise, toutes choses étant relatives, c'est qu'en face d'elle, il y avait un adversaire qui lui était supérieur, forcément, et je demande notamment à Jospin de venir s'en expliquer. Car s'il venait à nous dire, là maintenant, que le vainqueur de la présidentielle de 2007 était nul, on aurait du mal à le croire ! En tout cas, cela prouverait, de sa part, un manque de "vista" particulièrement consternant !

Mais je suppute qu'il n'en fera rien, et que personne n'ira le chercher pour lui demander de s'expliquer sur son "expertise" passée. Pire : j'imagine Jospin priant le ciel que personne ne mette plus jamais la main sur ce bouquin funeste qui l'a vu se tromper, mais alors, sur toute la ligne.

Parce que, pour écrire ce qu'il a écrit dans l'Impasse, il fallait qu'il fût persuadé que la présidente du Conseil Régional de Poitou-Charente avait, en 2007, une conjoncture électorale plus favorable que lui-même en 1995 et surtout en 2002, après cinq années comme Premier ministre, en tête de tous les sondages de popularité. Ce qui rendait, à ses yeux, l'échec de 2007 bien plus impardonnable que les siens propres, notamment le second !

Le fait est que, de tous les intervieweurs avec lesquels il a disserté de son ouvrage, aucun ne l'a interrogé sur cette théorie de la responsabilité exorbitante de Ségolène Royal, au point qu'à chaque fois qu'il évoque "l'échec", on comprend qu'il s'agit de l'échec de Ségolène Royal, tout comme à chaque fois qu'il évoque l'élection perdue, on comprend qu'il s'agit de l'élection présidentielle de 2007 (cf. p. 7 : "j'écris ce livre après la défaite."), le tout se traduisant par la scotomisation - comme on dit chez les psychanalystes - des élections législatives qui ont suivi et qui, si elles avaient été gagnées par la Gauche, auraient de nouveau conduit à une situation du type de celle de... 1997, circonstance là encore scotomisée (!) par Jospin, allez savoir pourquoi !

Il était pourtant bien placé pour savoir que le camp qui gagne les législatives gouverne la France, ce qui réduisait considérablement la responsabilité éventuelle du candidat de gauche à une quelconque présidentielle.

Mais la scotomisation évoquée plus haut a probablement une raison : le fameux serment de la Rue de Solférino, selon lequel l'on s'engageait derechef à "quitter définitivement la vie politique" (ce qui nous vaut un des passages les plus drôlatiques de l'Impasse) le tout au milieu du gué, alors même que les législatives approchaient, qui allaient voir l'UMP perdre une soixantaine de sièges !

L'Impasse, c'est l'histoire d'un naufrage. Le naufrage d'un homme et d'une certaine conception, erronée, de la politique, qui voit la Gauche (française : la seule en Europe occidentale à s'accrocher encore, mordicus, à des moeurs constitutionnelles dignes de Mugabe, de Chavez ou de Sassou-Ngesso !) se contenter de singer la Droite - un demi-siècle que ça dure ! -, en reprenant, par exemple, à son compte, les pires délires du bonapartisme.

À suivre...